Fairouz M'Silti ClapMag
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La diversité est-elle assez chic pour le cinéma français ?

Cet article a été publié initialement le 25 avril 2017 pour Clap! Mag.

Chic comme un blanc

« Il a le chic des passe-partout » peut-on lire dans un article de Stylist du 30 mars 2017 concernant Riz Ahmed. J’étais en train de réfléchir depuis plusieurs semaines à la rédaction d’une tribune sur la représentation de la diversité au cinéma et à la télévision en France quand je suis tombée par hasard sur cet article. J’ai d’abord été très enthousiaste, surexcitée même, à l’idée de faire entendre mon point de vue sur cette question épineuse qui me préoccupe beaucoup. Puis j’ai été prise de doute et paralysée par une angoisse diffuse : comment ne pas paraître en colère ? D’une colère qui rendrait le message inaudible ? Comment ne pas paraître opportuniste, ingrate, égocentrique ou, pire, en ces temps d’hyper-pragmatisme, idéologue ? Je n’en menais pas large. « Le chic et l’élégance des passe-partout ». Ça m’a remise en selle.

L’article s’émerveille de cette élégance qui caractériserait selon lui l’acteur de The Night Of et qui le conduirait naturellement à se démarquer du rôle de « l’Arabe de service » et à préférer des rôles « d’Average Joe », plus « passe-partout ». Traduction : merci Riz Ahmed d’incarner des personnages dans lesquels tout le monde a envie de se reconnaître. C’est faire preuve de bon goût, et c’est un vrai soulagement. Stylist est un hebdomadaire de mode gratuit et ne prétend pas être la boussole de la pensée socio-culturelle française. Mais peut-être joue-t-il ce rôle malgré lui. Car cette formule fait mouche et me paraît être d’une violence d’autant plus pernicieuse qu’elle s’ignore complètement. Faire porter à un seul individu la responsabilité d’éviter les travers systémiques de la discrimination positive, quel cran ! Il ne joue pas l’Arabe de service, lui, il flotte dans les étoiles tel Aladdin, bien au-dessus de ces questions vulgaires de représentations ethniques. Alors déjà, Riz Ahmed est un choix étonnant pour porter l’étendard des Arabes de service repentis. Pour commencer parce qu’il n’est pas Arabe mais Anglais d’origine pakistanaise. Au passage, en tant qu’arabe moi-même, je préfère sincèrement qu’on ne s’embête pas à mettre des majuscules à « arabe » si c’est pour écrire des âneries pareilles. Mais bref, Riz Ahmed a en effet bien failli se retrouver cantonné dans des rôles de « Terrorist Number 3 », comme l’explique d’ailleurs très bien l’article. Mais, depuis son rôle central dans la série HBO The Night Of, il jouit d’une marge de manœuvre telle qu’il peut choisir de s’exprimer librement sur les divers détours de sa carrière et sur la question plus générale de la diversité et ses propres préoccupations à ce sujet. Étonnant tour de force du journaliste donc, de célébrer le parcours exigeant et semé d’embûches de cet acteur hautement politisé avant de démolir la conscience politique pour laquelle il le salue, en une formule simple et sans appel : « Le chic des passe-partout ».

La question qui se pose donc est : qu’est-ce donc qu’un « Passe-Partout » dans notre beau monde libre en 2017 ? La réponse, j’en ai bien peur, tourne autour des « white et des blancos », pour reprendre la formule immortalisée par notre cher ancien Ministre de l’Intérieur. En bref, c’est un blanc. Or en France, qualifier une personne de blanche passe beaucoup pour une lubie altermondialisto-gauchisto-communautariste. Quant à la race, comme principe de construction sociale, c’est un ultime tabou, cela n’existe pas et ne doit pas exister. Prononcer le terme race en public dans des assemblées (majoritairement blanches) composées de personnes qui se considèrent comme tolérantes, préoccupées ou engagées pour l’égalité sociale, provoque le plus souvent une gêne immédiate. Cela renvoie à un passé que la France universaliste préfère oublier, car il ne correspond pas à sa mythologie personnelle et donc à l’image qu’elle veut renvoyer d’elle-même. En bref, c’est un sujet hautement inflammable. Et ce grand déni désamorce immédiatement toute tentative, tout embryon de réflexion, sur l’identité et le privilège. Aux États-Unis et en Angleterre, deux sociétés proches de nous par le biais de l’identification politique, culturelle et médiatique, ces questions restent douloureuses et infiniment complexes mais elles ont la chance d’être au moins qualifiées par leur nom, race ou ethnicity. En France, dans un pays qui valide en filigrane l’idée que toutes les civilisations ne se valent pas et donc que le degré de développement est une courbe croissante qui va du plus archaïque au plus développé, du plus sombre au plus clair, du plus neutre au plus exotique, combien de personnes racisées préféreraient qu’on nomme la race comme un principe de construction sociale avec toutes les expériences que cela englobe, plutôt que de devoir faire semblant de ne pas vraiment exister ? Plutôt que de se forcer à « passer-partout » ?

Bienvenue dans la Quatrième Dimension

Car cela nous conduit à des situations dignes de la Quatrième Dimension. Si la race n’existe pas, alors comment se définir lorsqu’on ne rentre pas soi-même dans cette catégorie des « passe-partout »? Quand on est arabe, noir, asiatique, avec les diverses et nombreuses spécificités topographiques et culturelles que cela implique ? En considérant les médias généralistes et les institutions culturelles dans leur globalité, force est de constater que, dans l’imaginaire collectif, la diversité est un concept un peu nébuleux qui englobe avant tout la banlieue et les migrants. Premier raccourci. Mais bon, concentrons-nous déjà sur la partie de la population française qui a ses papiers, histoire de faire un pas après l’autre. Considérons la banlieue en tant qu’enclave périurbaine, pauvre et ghettoïsée, composée de populations majoritairement arabes ou noires. Le film de banlieue est un tropisme du déterminisme social, qui met le plus souvent en scène les tentatives de sortir de la banlieue, la gestation du terrorisme religieux, le grand banditisme ou les violences sectaires qui bouillonnent en son sein. Les violences faites aux femmes y sont particulièrement représentées. Récemment on pense à Fatima, Divines, Noces, etc. C’est un genre en soi, plus ou moins politisé, plus ou moins sincère et plus ou moins bankable. Par ailleurs, notons que le film social réussit le tour de force d’être à la fois facilement subventionné et assez souvent renvoyé à ses casseroles niveau « art ». Qu’il soit trop didactique, trop militant ou pas assez novateur sur la forme et le style, il reste assez méprisé du cinéphile.

Puis vient un autre grand fossé : celui qui se révèle rapidement entre les réalisateurs confirmés souhaitant investir le film de banlieue et le public issu desdits quartiers ou de cette diversité, qui ne va pas voir les films censés parler de lui. Parfois, le malentendu se révèle douloureux parce qu’on sent les bonnes intentions. C’est le cas notamment de Bande de Filles, qui n’avait probablement pas anticipé de ne pas trouver son public auprès des premiers concernés. Mais parfois, le malaise est plus difficile à cerner. Je me souviens avoir pleuré de rage en regardant La Journée de la jupe, que j’ai trouvé profondément malhonnête dans son approche sensationnaliste et essentialiste de la question des violences sexuelles. Cet article illustre d’ailleurs bien l’analyse que j’en ai faite après coup.

En parallèle, on observe une émergence de talents issus de cette diversité. Oui, celle-là même qui n’existe pourtant pas vraiment. Des dispositifs qui tendent à aider les voix issues des banlieues et d’origines ethniques étrangères sont même mis en place (comme le programme « Égalité des Chances » de la Fémis, « Talents en Courts » ou encore la commission « Images de la Diversité », etc.). Ces dispositifs bien intentionnés et dynamiques ressemblent à s’y méprendre aux ressorts de la discrimination positive à l’américaine. Le service public se souciant à raison des fractures sociales. Mais… un dispositif pour pallier un problème qui n’existe pas ?!? Voilà un beau paradoxe à la française. Dans ce cadre, quelles œuvres sont subventionnées, célébrées, primées, et quelle vision de cette diversité est-elle donnée à voir ? Malheureusement, celle-ci est souvent réductrice. Et ce même quand les auteurs tentent de raconter une vérité intime. Car parfois, et bien malgré eux, ils entérinent les perceptions archaïques que le point de vue dominant entretient sur ces populations et causent de nombreuses frustrations en leur sein. Deuxième grand écart et pas des moindres.

Pour les réalisateurs issus de la diversité, le problème est vicié car il s’agit, pour beaucoup, et cela est légitime, de passer du bon côté de la barrière. Du côté de ceux qui ont une marge de manœuvre, du côté des privilégiés. Mais l’identité devient parfois une prison. D’aucuns peuvent être tentés de passer du bon côté en sacrifiant sans équivoque leurs origines sur l’autel de l’archaïsme. Cela va dans le sens du grand principe de la méritocratie après tout. Quand on y arrive, c’est qu’on le mérite, et ceux qui ne sont arrivés à « rien » (selon des critères plus ou moins objectifs) méritent donc leur condition. Ils ne sont pas assez évolués et ne veulent pas faire d’effort, ils méritent d’être condamnés sans appel. CQFD. Cela donne lieu à des (des)équilibres intellectuels et mentaux très précaires du côté des artistes en question, et de toutes les personnes qui vivent ces écartèlements tous les jours.

Avec tout ça, la question qui subsiste est : qui n’entendons-nous pas ? Quelles sont les voix qui n’ont pas la force surnaturelle, la rage peut-être, de se battre pour se faire entendre par le plus grand nombre ? Qui n’envisage tout simplement pas que sa voix compte et mérite d’être entendue ? À côté de quelles grandes œuvres passe-t-on ainsi ? Bien sûr, il y a le cinéma guerilla. Urgent, nécessaire mais aussi commode. Car il reste ainsi dans une case. Limitant son assise par la précarité de ses moyens, évidente à l’image. Il devient parfois un label contraignant, gage de sérieux et de solennité, permettant ainsi au statu quo, discriminant « à l’insu de son plein gré » comme dirait Richard Virenque, de se perpétuer sans se remettre en question.

Recherche Incarnation Désespérément 

Résumons les problèmes :

1er problème : la diversité, c’est plus que la « banlieue », à laquelle elle est trop souvent réduite.

2ème problème : la « banlieue » est elle-même plus que tout ce à quoi elle est quasi systématiquement réduite.

3ème problème : la course impitoyable à la queue du Mickey conduit irrémédiablement les voix qui arrivent à se démarquer et à passer du bon côté à se plier à un système normatif qui ne s’assume pas comme tel. Quitte à balancer le bébé avec l’eau du bain et nourrir, parfois malgré soi, des représentations réductrices.

4ème problème : l’identité socio-culturelle, ce n’est pas sale. Ce n’est pas vulgaire. (On se souvient à ce sujet de la sortie affligeante de Guillaume Gallienne, alors que son propre film est lui-même truffé de clichés raciaux, entre autres)

Quant aux Arabes et aux Noirs de service, ils n’ont bien souvent pas le choix. Ils ont besoin de travailler et ils composent avec ce qu’on leur propose. À l’instar des Asiatiques, qui n’existent pour ainsi dire pas. Beaucoup de rôles sont attribués à la dernière minute à des acteurs issus de la diversité par souci de façade de conscience sociale. Or, quand on construit un personnage, on construit ce qu’on appelle sa backstory. C’est-à-dire son expérience de vie. Un bon personnage existe dans ses contradictions et ses nuances.

Moonlight a été une véritable bouffée d’oxygène. Parce que le film brosse les portraits de plusieurs personnages d’hommes noirs du sud des États-Unis autour de la problématique de la violence systémique. Il laisse entrevoir la nuance, quand le personnage de l’homme noir est quasi toujours renvoyé soit à sa sauvagerie essentialiste, soit à une bonhommie un peu enfantine. Il fait entendre les voix du réalisateur et du scénariste, tous les deux Noirs Américains, dans toute leur profondeur, et donne à voir une représentation nouvelle et nuancée des hommes noirs à l’écran. Car tout se joue dans l’intime. On est ici au cœur du politique, du rapport à l’autre.

Or cela manque cruellement en France. Comment je vis mes relations amoureuses, professionnelles, etc. si je suis un Arabe de deuxième génération, une Noire adoptée vivant dans une zone rurale, un.e Noir.e originaire des Antilles, ou encore un Juif français issu d’une famille de Juifs tunisiens ? Ou même, pour élargir la réflexion, un fils d’émigrés portugais ? Un Basque ou un Mosellan (le cinéma ayant emboîté le pas aux politiques d’unification et pratiquement gommé tout ancrage ou accent régional en dehors de la caricature et du procédé comique) ? Trop souvent, la diversité reste un high concept, c’est-à-dire une idée dramatique simple et rapide à résumer, une case. Elle reste le prétexte tête de gondole ou le carcan réducteur, voire franchement une caricature. Elle ne s’insère pas dans les histoires d’amour contrariées, les films d’apprentissage d’adolescents en vacances ou les drames familiaux intimistes. Une amie noire me faisait remarquer que le couple fictif d’Aïssa Maïga et Lucien Jean-Baptiste, personnages de Noirs adoptant un enfant blanc dans la comédie Il a déjà tes yeux, la troublait beaucoup parce qu’Aïssa Maïga et Lucien Jean-Baptiste étaient respectivement sénégalais et antillais et qu’au sein de la communauté noire, c’est pour ainsi dire déjà un couple mixte. Quel spectateur blanc, ou ignorant tout des expériences des Noirs en France, aura relevé ce détail ?

Le seul film récent à avoir été d’une touchante poésie et d’une grande délicatesse autour des questions des origines ethniques et sociales est Swagger d’Olivier Babinet. C’est le seul film que j’ai pu voir mettant en scène des jeunes de banlieue dont le regard du réalisateur ne consiste pas uniquement à un bilan catastrophiste ou à partager un étonnement : « regardez, ils ne sont pas si sauvages en fait ». Ce regard tout en nuances, empli de respect, de confiance mutuelle, d’affection et de profonde poésie, fait un bien fou, il appelle à la sublimation et à l’espoir. Et il n’est pas si courant.

Swagger diversité ClapMag

Car malgré des efforts notables, les personnages issus de la diversité sont souvent maladroits. Je pense notamment à Adrien dans Grave. Je n’ai pas compris où la réalisatrice voulait en venir : pourquoi prendre un comédien arabe pour l’appeler Adrien, tout en le renvoyant à ses origines (la protagoniste relève, étonnée, qu’il mange du porc), pour mieux les lui faire minimiser (il lui répond crânement « et alors ? ») ? Pourquoi continuer à jouer sur l’imaginaire collectif de l’Arabe de banlieue en le faisant jouer au foot comme un gamin des rues (dans une scène d’ailleurs très réussie de mauvaise foi virile) ou encore en le faisant se débattre avec son homosexualité de manière assez artificielle ? Pourquoi ne faire apparaître cette fameuse banlieue sectaire et cette l’hyper-virilisation supposée typique et naturelle de l’homme arabe que comme un accessoire dramatique, sans aucun contrepoint ? C’est d’autant plus dangereux et décevant que la sexualité chez les hommes arabes est à la fois un sujet légitime d’étude et d’intérêt, mais aussi une construction politique et un fantasme de blanc. Et surtout, ce personnage est trop superficiel, il n’existe pas vraiment. Cela ne suffit pas d’être visible, encore faut-il être incarné. L’ironie dans le cas de ce film étant que ce personnage est tout juste suffisamment incarné pour être mangé. L’effort est louable et malin, mais pas véritablement suffisant. On est très loin du stade où les personnages issus de la diversité sont construits avec des défauts intimes, sont pensés comme des individus, qui se construisent en écho à leur milieu quel qu’il soit, et non comme les représentants de toute une communauté. Tant qu’ils n’auront pas accédé au droit d’être écrits comme égoïstes, lâches, mesquins, en un mot contradictoires, « comme tout le monde », les personnages de la diversité seront coincés dans les limbes. Et les spectateurs qui attendent une représentation complexe de leurs expériences de vie également. Tout le monde, en fait.

Grave diversité ClapMag

Somewhere over the requin ?

L’expression Jumping the shark (littéralement sauter le requin, le « point requin » en quelque sorte) vient de la série télévisée américaine Happy Days. Pour résumé, elle fait référence à un point de non-retour dans la narration au-delà duquel les choses ne sont plus rattrapables. Or, il semble que le story-telling culturel de notre beau pays soit bloqué en arrêt sur image au-dessus de ce requin. Incapable d’admettre qu’il est déjà allé beaucoup trop loin dans le déni sur sa propre identité et donc incapable d’en analyser les conséquences et de se projeter vers l’avenir.

Happy Days diversité ClapMag
Moi qui aime beaucoup confronter mon point de vue avec des gens qui ne partagent pas les mêmes expériences ou vision du monde que moi, je me retrouve très vite découragée de relever toutes ces questions, qui bousculent quasi immanquablement mes interlocuteurs quand ils ne sont pas concernés. L’idée n’étant pas de faire entendre raison, car je ne pense pas que ma vision soit toujours juste ou exhaustive. Mais déjà d’ouvrir le débat, avec toutes ses composantes, et de faire sentir la nécessité de regarder les choses en face. C’est fatiguant d’être souvent la seule personne de l’assemblée qui pense qu’il est vital de discuter de ces questions. Le fossé entre les individus à ce niveau-là donne le vertige. C’est épuisant de ne pas se fondre dans la masse. C’est usant même. C’est corrosif. Parfois même, notre santé mentale en pâtit.

Un des corolaires de cet état de fait est le présupposé que l’Art, avec un grand A, ça ne s’apprend pas, que c’est un don, inné. Et qu’on se sacrifie en quelque sorte pour faire pleuvoir son art sur la Nation reconnaissante. Parce que c’est une question d’ordre naturel des choses. Le film Le Concours pointe bien cette problématique. La réalisatrice Claire Simon y parle du concours d’entrée dans la prestigieuse école de cinéma française publique, La Fémis, dont elle a dirigé le département réalisation. On voit bien dans le film qu’il s’agit de déceler les profils quasiment déjà prêts, déjà structurés et audibles parce qu’ils ont déjà acquis tous les bons codes. Mais comment acquiert-on ces codes, si ce n’est le plus souvent dès la naissance ? Dans notre système universaliste français, il est politiquement incorrect de dire que notre système élitiste ne donne pas égalitairement sa chance à tout le monde. Pourtant, on a bien vu que des stratégies ont été mises en place pour renforcer l’égalité des chances. Et saisir cette chance se fait souvent au prix de renoncer aux aspérités de son identité, au prix de se nier soi-même. C’est à s’en taper la tête contre les murs.

Ce sujet de la diversité des identités socioculturelles dans la fiction et le monde du cinéma en général est très difficile, il met à nu des vulnérabilités et des blessures profondes. Cela me rappelle un camarade en cours de théâtre avec qui je m’étais battue pendant une heure sur la question « La culture est-elle un luxe ? ». Il habitait un loft avenue Mozart, celle du Monopoly, mais il était le seul de sa fratrie complètement paumé dans son orientation professionnelle. Ses parents, médecins proches de la retraite d’après mes souvenirs, étaient absents quatre jours sur sept et il était seul avec sa dépression dans son grand appartement du XVIe arrondissement de Paris entouré de ses deux frères plus fonctionnels d’après les critères de sa famille et de son milieu. Il avait le plus grand mal à concevoir qu’il était privilégié parce que sa détresse était paralysante pour lui. Qui suis-je pour la remettre en question ? On peut tout à fait être à la fois privilégié et laissé pour compte ou en souffrance. Cela fait partie des grandes plaisanteries douteuses de la vie. D’autres populations que les populations racisées sont d’ailleurs isolées et souffrent de misère, de déclassement et de mépris social en France. Au mieux, toutes ces communautés s’ignorent entre elles ; au pire, elles sont instrumentalisées et montées les unes contre les autres. Il est pourtant primordial de construire des ponts afin que chacun apprenne à se reconnaître en l’autre malgré la spécificité de son identité.

Le cinéma français et le PAF ont besoin d’élargir leur Pantone et la population française dans toute sa diversité a plus que jamais besoin de son cinéma. Il ne faut surtout pas qu’ils continuent de se tourner le dos.

Image en une : Please to meet you, de Fairouz M’Silti.

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Fairouz M'Silti est réalisatrice, scénariste et directrice de publication des Ecrans Terribles. Elle attend le jour où la série Malcolm sera enfin mondialement reconnue comme un chef d'oeuvre.

3 Comments

  • stasimon

    Quel malheur !

    Alors que l’actualité politique aux USA aurait dû nous montrer les dégâts de la « politique identitaire », voila que vous les montrez en exemple.
    Si vous voulez vraiment qu’on ait l’équivalent(e) de Trump au pouvoir, alors surtout continuez.
    Sinon, je ne sais pas ce que vous avez pensé de « nos ancêtre les gaulois » dans vos cours d’Histoire. Peut-être que vous avez crue n’être pas concernée par la guerre des gaules si vos ancêtres biologiques ne ressemblaient pas à Astérix et Obélix. Mais ces gaulois, si fiers de leurs identités distinctives, ce n’étaient pas seulement nos ancêtres, c’est nous. Sans doute avez vous entendu parler de la devise « diviser pour régner », mais cela est visiblement resté trop abstrait. Les Jules Césars ont donc encore bien de l’avenir à profiter de la banalisation des communautarismes et des racialisations assumées (« c’est pour la bonne cause »).

    Vae Victis ☹

  • fb

    Très bon article au contenu de qualité.
    Si javais un tout petit conseil, ce serait d’éviter les gifs qui sont particulièrement pénibles à la lecture, et qui détournent l’attention sans arrêt, ce qui serait bien dommage ici.

    • Fairouz M'Silti

      Merci infiniment pour votre retour. Oui les avis sont partagés sur les gifs, je suis dans un processus général qui consiste à devenir adulte mais je conserve quelques dérivatifs 😉

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