Ailleurs by Les Ecrans Terribles
Films

Pourquoi le film d’animation AILLEURS devrait toucher le cœur des gamers

Plus les années passent, plus la frontière entre le cinéma et le jeu vidéo s’amenuise. Le septième art achète de plus en plus fréquemment les droits de franchises vidéoludiques, quand ces dernières concurrencent de mieux en mieux la fluidité d’une narration cinématographique. Ailleurs, lui, devrait rappeler aux amateurs de belles expériences sensorielles vécues la manette en main. 

Attention, le premier film du letton Gints Zilbalodis n’est en aucune sorte l’adaptation d’un jeu vidéo préexistant. Non, Ailleurs est un long-métrage d’animation original, réalisé par un jeune homme de 26 ans, seul aux commandes de ce beau projet inspiré par l’un de ses propres courts-métrages (Oasis, 2017). À son commencement, un jeune homme se réveille au milieu d’un désert, suspendu à un arbre. Réfugié dans une oasis qui lui procure ce qu’il lui faut pour subsister, il réfléchit à un moyen de rejoindre la civilisation. Pour cela, il lui faudra échapper à la surveillance d’une étrange créature colossale qui le suit où qu’il aille…

Ce n’est un secret pour personne, les productions américaines au style similaire (une 3D lisse et dynamique) trustent le domaine de l’animation, tandis que les autres pays tentent bien souvent de les imiter mais avec des moyens et un savoir-faire forcément moins épatants (on vous laisse jeter un œil aux sorties sud-africaines pour vous faire une idée). Ailleurs fait figure d’alternative excitante. Muet, minimaliste mais hautement poétique, le film observe l’instinct de survie d’un personnage qui traversera durant 1h15 épreuves et paysages éthérés. Contrairement à de nombreux films d’animation où tout va très vite, Ailleurs prend le parti radical de la sous-dramatisation et ne cherche à aucun moment à prendre son spectateur par la main. À la place, il l’invite à un voyage sensoriel unique en son genre. 

Ailleurs by Les Ecrans Terribles
Ailleurs © Septième Factory

Dans sa mise en place, le film letton rappelle tous ces jeux où le protagoniste est lâché au milieu d’une quête sans la moindre information sur la tâche qu’il doit effectuer. Tous ces jeux qui ne reposent pas sur une narration dense ou novatrice, mais sur la création d’un monde onirique, fantastique ou inquiétant (parfois même les trois à la fois). Tous ces jeux dont le gameplay très simple, basé sur des interactions avec des objets, permet à la fois d’avancer le déroulement de l’intrigue et d’influer sur le décor qui nous entoure. Dans Ailleurs, il faut trouver quoi faire avec une clef, mettre la main sur une carte, traverser un pont, sauver un animal. Des actions, plus que des rebondissements, qui permettent d’accéder aux chapitres suivant (“Forbidden Oasis”, “Mirror Lake”…) comme on passe à un nouveau level.

En regardant Ailleurs, on retrouve cette sensation indescriptible de se perdre et de se laisser porter, comme on a pu le faire en jouant à Journey (son inspiration directe), Myst ou Flower. Sa musique, particulièrement hypnotisante, parvient admirablement à prendre en charge la part de narration délaissée par l’absence de dialogue. Une sensation particulièrement sensible quand un danger survient. À l’image d’un Shadow of the colossus (ou autres jeux “à boss”) lorsque le jeune héros essaye pour la première fois d’échapper à la créature qui le pourchasse sur fond d’hypnose auditive.

Pour autant, dire qu’Ailleurs ne s’adresse qu’aux initiés du jeu vidéo serait beaucoup trop réducteur. Le film saura séduire tous les amateurs d’animation atypique et personnelle, ceux qui savent s’émerveiller devant un envol de colombes ou la clarté d’un lac parfaitement calme. Il parlera aussi aux amoureux d’animation japonaise, Gints Zilbalodis ne cachant pas son admiration pour Hayao Miyazaki. Celle-ci se ressent d’ailleurs dans l’attention portée à la nature, aux animaux, au temps qui passe. Mais si vous êtes amateurs, ne serait-ce qu’un petit peu, de jeux vidéos, le plaisir n’en sera que décuplé, on est prêts à le parier. 

Ailleurs (Away), de Gints Zilbalodis
Sortie le 23 septembre 2020

Élevé dès le collège à la Trilogie du Samedi. Une identité se forge quand elle peut ! Télé ou ciné, il n'y a pas de débat tant que la qualité est là. Voue un culte à Zach Braff, Jim Carrey, Guillermo DelToro, Buffy et Balthazar Picsou.

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