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Cannes 2022 l Jour 6 : Chaleur, flou et chocs mous

Adèle Exarchopoulos prouve une fois de plus qu’elle est toujours loin devant les autres actrices de sa génération dans Les Cinq Diables, deuxième film de Léa Mysius dans lequel elle interprète Joanne, maman de Vicky (Sally Dramé, révélation majeure), une fillette de huit ans dotée d’une grande sensibilité olfactive. Lorsque l’équilibre familial vacille à cause d’un mariage qui bat de l’aile et l’arrivée inopinée d’une tante, Vicky se sert de cette particularité pour comprendre d’où elle vient. Bien que les thèmes évoqués, la prise de conscience du monde adulte, la protection de la famille, les anciennes relations amoureuses qu’on n’oublie pas, soient intemporels, la modernité avec laquelle le récit s’en empare rend le résultat passionnant. En effet, l’angle queer, l’utilisation assumée du fantastique et les plans rapprochés sur ses personnages nous captivent d’autant plus. L’une des qualités du film est l’astucieuse utilisation de flashbacks et leur dosage précis qui permet de faire avancer l’intrigue avec légèreté. 


Je ne peux malheureusement pas en dire autant de Burning Days, réalisé par Emin Alper. On y rencontre Emre, un jeune procureur soucieux d’agir avec intégrité lors de sa prise de fonction dans une petite ville turque. Rapidement, Emre perd pied entre les sollicitations des notables qui veulent l’amadouer et ceux qui, comme Murat, le journaliste local, tentent de l’en préserver. À moins qu’il ne l’utilise lui aussi pour servir sa cause. Lorsqu’une affaire de viol se retrouve mélangée à celle, latente, de l’accès à l’eau potable rendue difficile à cause des gouffres qui creusent fréquemment les sols, Emre se retrouve dans une impasse. Tout démarrait pourtant si bien, quel dommage de voir le traitement de ce qui a été amorcé dans la première partie manquer à ce point le coche. On se perd dans des flashbacks qui n’en finissent plus et embrouillent plus qu’autre chose. On nous aguiche avec une tension homoérotique dont l’histoire ne sait plus comment se dépêtrer par la suite et quelques incohérences finissent par enfoncer le clou. Cette découverte m’aura quand même permis de connaître l’excellent acteur Selahattin Pasali

Il devait y avoir une promo au rayon des déceptions aujourd’hui, puisque même le tant attendu Les Crimes du Futur de David Cronenberg ne m’a pas embarqué. Le pitch avait pourtant de la gueule : dans une société post-douleur et post-sexe (oui, oui), les opérations chirurgicales constitue une nouvelle forme de plaisir et d’expérimentations. Dans ce contexte, Léa Seydoux et Viggo Mortensen vont même un cran plus loin et produisent des performances durant lesquelles il est question d’ablation d’organes tatoués. D’ailleurs, ces scènes graphiques, annoncées en grande pompe pour pré-choquer les festivaliers en quête de frissons, ne le sont finalement pas tant que ça et constituent à mes yeux le seul intérêt du film. Seul reste le scénario bavard et didactique que l’on sent brodé autour de son postulat pour tenter de le justifier. Les adeptes du body horror devraient tout de même apprécier.

C’est en possession de l’ensemble de mes organes plus très fringants après une semaine de festival que je me prépare pour ma dernière journée cannoise. Et en cas de nouvelle déception, je pourrais toujours prendre un rendez-vous au cabinet de Léa et Viggo.

Les Crimes du Futur © Nikos Nikolopoulos.

Crédits Photo : Les Cinq Diables © F Comme Film – Trois Brigands Productions.

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