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Dalva : Fleur de ruines

Premier long métrage d’Emmanuelle Nicot, Dalva dresse avec délicatesse le portrait d’une jeune fille brisée et sa progressive reconstruction au sein d’un foyer pour l’enfance.

Le film démarre sur un générique au noir avec, en fond sonore, les cris glaçants de Dalva (Zelda Samson) et Jacques (Jean-Louis Coulloch’h). Les premières images nous montrent ensuite les deux personnages paniqués dans leur maison, brutalement séparés par la police. Les minutes qui suivent cette séquence d’ouverture agitée laissent rapidement éclore la réalité des faits : derrière sa tenue, son maquillage et son chignon serré, celle que l’on prend d’abord pour une jeune femme se révèle être une préadolescente de 12 ans et cet homme, qu’elle appelle Jacques avec détresse, n’est pas son compagnon, mais son père. Emmanuelle Nicot, grâce à une caméra portée au plus près de sa jeune héroïne, place directement le spectateur du point de vue de Dalva. Un point de vue très inconfortable, puisque la réalisatrice choisit de raconter son récit par le biais d’un personnage qui se sent davantage victime des institutions que de son paternel abuseur. Révoltée et dans une incompréhension totale, Dalva se retrouve catapultée dans un foyer pour l’enfance où elle fait la connaissance de l’éducateur Jayden (Alexis Manenti) et de Samia (Fanta Guirassy), sa camarade de chambre au caractère bien trempé.

Dalva puise sa force dans le fait de ne jamais juger son personnage principal. Lorsque la jeune fille défend son père corps et âme, demande à ses éducateurs pourquoi personne ne les laisse s’aimer en paix ou se pomponne pour rendre visite à son géniteur en prison, la caméra scrute les moindres expressions et gestes de Dalva, captant les mécanismes internes d’une jeune fille isolée par un inceste destructeur. Grâce à Jayden, oscillant entre une froideur qu’il exprime parfois pour ses protégés et une part de révolte face à la détresse des enfants en difficultés dans le milieu scolaire, mais aussi à Samia, dont les perspectives d’avenir sont moins réjouissantes, Dalva apprend progressivement à vivre en communauté tout en se réappropriant son âge, son corps, son adolescence et son existence qui lui ont été retirés de force. Analysant son comportement et l’évolution de sa compréhension sur sa situation familiale, Dalva dépeint tout en délicatesse l’éclosion d’une préado privée de vie en société et de repères. Sa mère (Sandrine Blancke), malmenée elle aussi par Jacques par le passé et que Dalva considère d’abord comme démissionnaire, se révèle finalement bel et bien présente et heureuse de retrouver sa fille après en avoir perdu la trace pendant sept ans. La révélation Zelda Samson, dont c’est la première expérience au cinéma, reste longtemps en mémoire grâce à son interprétation subtile et profonde de ce jeune personnage complexe, qu’elle tient avec brio d’un bout à l’autre du film. En une heure vingt, Emmanuelle Nicot parvient avec finesse à dérouler le parcours difficile d’une victime d’inceste se relevant de ses traumatismes, et livre le portrait lumineux et captivant d’une renaissance ponctuée d’espoir d’une blessée parmi tant d’autres dans les foyers pour enfants.

Réalisé par Emmanuelle Nicot. Avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy… France, Belgique. 01h20. Genre : Drame. Distributeur : Diaphana Distribution. Grand Rail d’Or du Meilleur Long Métrage, Prix FIPRESCI et Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation à la Semaine Internationale de la Critique 2022. Sortie le 22 Mars 2023.

Crédits Photo : © Caroline Guimbal Helicotronc Tripode Productions.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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