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Je m’appelle Bagdad : Guerre perpétuelle

Deuxième long métrage de Caru Alves de Souza, Je m’appelle Bagdad sort (enfin) en salles après avoir été décalé à plusieurs reprises à cause de la pandémie. La réalisatrice brésilienne signe une fresque féministe poignante et pleine d’espoir sous l’ère Bolsonaro.

Bagdad (Grace Orsato) a 17 ans et vit à Freguesia do O, un quartier populaire de la ville de São Paulo au Brésil. Elle partage son temps entre sessions de skate avec son groupe d’amis exclusivement masculins, et moments de complicité avec ses deux sœurs, sa mère Micheline (Karina Buhr) et les amis de cette dernière. Si elle se sent pleinement intégrée à sa bande de copains, Bagdad a pourtant du mal à digérer le comportement sexiste de l’un de ses camarades. Le premier exemple de cet écart entre les deux adolescents intervient au début du film, lorsque le garçon voit une jeune skateuse arriver au skatepark. L’ado lourdeau (qui dépassera les limites par la suite) ne peut s’empêcher de clamer qu’elle est « bonne ». Ce à quoi Bagdad lui rétorque que cette inconnue « doit savoir faire plein de choses qu’[il] ne sait pas faire, et [lui], il dit juste qu’elle est bonne ! ». Une remarque évidemment prise comme une manifestation de jalousie par le jeune coq (un p’tit con vous dis-je). Mais lorsque Bagdad se lie d’amitié avec cette jeune fille, puis un groupe de skateuses féminines par la suite, sa vie va soudainement changer.

Les personnages féminins de Je m’appelle Bagdad sortent tous de l’ordinaire, et sont bien décidés à ne pas se laisser faire par les hommes. Éprises de liberté et d’on-vous-emmerde-isme sous un Brésil décimé par l’ère Bolsonaro, les femmes transmettent ici un message de lutte, d’espoir et de puissance : rien, et surtout personne ne peut les empêcher d’être celles qu’elles ont décidé d’être. A commencer par la téméraire Bagdad, qui ne baisse pas les yeux face à ceux qui la regardent de travers. Et ce, même lorsqu’elle est fouillée comme un homme par les policiers parce qu’elle arbore une coupe courte, des vêtements larges et fait du skate. La jeune femme s’assume envers et contre tous et ne changera pour rien au monde, ni même pour sa mère qui tente de lui faire enfiler sans succès une robe pour un dîner chez grand-maman. Les autres femmes du film sont aussi poignantes que Bagdad, et Caru Alves de Souza parvient à rendre ses personnages secondaires aussi complexes qu’intéressants avec peu de scènes. Micheline, intransigeante face aux réflexions des hommes, se démène dans un salon de beauté pour subvenir aux besoins de sa famille aux côtés de Gilda, seule femme transsexuelle du quartier et mal perçue par ses voisins, et Emilio, collègue gay en pleine chimiothérapie. Les petites sœurs de Bagdad viennent parfaire le portrait d’une génération de femmes souhaitant être libres par tous les moyens : Joseane, 16 ans, que l’on trouve au départ plutôt superficielle comparée à son aînée, se révèle finalement forte et décidée dans les dernières minutes du film. Sans oublier la petite Bia, 10 ans, qui rêve de conquérir l’espace et passe le plus clair de son temps à préparer son expédition sur Mars.

Caru Alves de Souza a choisi de baser son casting sur des acteurs en grande partie non professionnels et de les laisser créer des liens entre eux lors des répétitions sur le tournage afin que leurs relations soient les plus spontanées et organiques possibles à l’écran. Un parti pris qu’on retrouve aussi dans la mise en scène, notamment par l’utilisation des images de la petite caméra à main utilisée par Bagdad plusieurs fois dans le film. Si la portée féministe du film se perd par moment dans des séquences didactiques aux dialogues moralisateurs, Je m’appelle Bagdad reste une jolie ode aux femmes et à la liberté. Et si le propos du film n’a rien de nouveau, il rappelle avec brio son incessante actualité. Je m’appelle Bagdad captive par sa portée politique assumée, parsemée en petites touches tout au long du récit, et par l’énergie communicative qui suinte de la mise en scène, et du charisme de sa superbe comédienne principale. 

Réalisé par Caru Alves de Souza. Avec Grace Orsato, Carlota Joaquina, Karina Buhr… Brésil. 01h36. Genre : Drame. Distributeur : Wayna Pitch. Grand Prix de la sélection Génération (14plus International Jury) à la Berlinale 2020. Sortie le 22 Septembre 2021.

Crédits Photo : © Allan Fabio.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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