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Là Où Chantent Les Écrevisses : Les Malheurs de Kya

Adapté du roman à succès du même titre paru en 2018, Là Où Chantent Les Écrevisses laisse poindre des pistes narratives intéressantes malheureusement bien vite noyées sous une épaisse couche de surdramatisation. Un naufrage émotionnel regrettable au cœur des marais luxuriants du Sud-Est des États-Unis.

Fin des années 1960, en Caroline du Nord. Kya (Daisy Edgar-Jones) a grandi seule dans les marécages non loin de la petite ville fictive de Barkley Cove, après avoir été successivement abandonnée par sa mère, ses frères et sœurs, puis son père alcoolique et violent. Cible de nombreuses rumeurs et surnommée la « Fille des Marais », Kya se retrouve au fil des ans largement isolée de la communauté et apprend à survivre dans cet environnement hostile. Devenue adolescente, elle rencontre deux jeunes citadins : Tate (Taylor John Smith), qui a tout du gendre idéal mais s’envole pour ses études en prêtant serment à sa dulcinée de revenir la chercher, et Chase (Harris Dickinson), adolescent populaire plus antipathique que ténébreux qui compte bien attraper la belle pour gonfler davantage sa notoriété de troisième zone. Mais lorsque Chase est retrouvé mort dans les marais, toute la communauté désigne immédiatement la jeune femme comme la principale suspecte. Une enquête est alors ouverte, faisant peu à peu remonter à la surface les secrets enfouis des marécages.

Oscillant constamment entre le thriller, le drame romantique et le coming of age, Là Où Chantent les Écrevisses aurait pu être un bon film pour ados si son traitement n’avait pas été aussi larmoyant et survolé. Le scénario part déjà avec quelques éléments défaillants, également présents dans le roman originel pourtant devenu un phénomène littéraire. Il est pour exemple difficile de croire qu’une fillette puisse survivre en quasi autarcie dans des marais où pullulent des crocodiles et autres bestioles, ou encore qu’elle puisse apprendre à lire et à écrire avec tant de rapidité une fois adolescente avant de devenir une scientifique-autrice-illustratrice autodidacte brillante. La silhouette même de Kya pose question, puisqu’elle est toujours étonnamment bien coiffée, propre et vêtue de jolies robes d’été (une garde robe peu recommandée pour crapahuter dans la gadoue bourrée de moustiques). Quant à Tate et Chase, ils sont pour leur part cantonnés aux stéréotypes creux et tristes du gentil et du méchant petit ami. Ces éléments déjà vacillants sont amplifiés par les effets excessifs de la mise en scène. La musique omniprésente et les dialogues surécrits cassent la dynamique circulaire, pourtant intéressante au départ, des prédateurs et des proies du marais et annulent notre intérêt sur la place que va prendre Kya dans cet environnement. Nous ne vous spoilerons pas le final, mais il suinte lui aussi largement l’invraisemblance. On retient a contrario la photographie chaude et maîtrisée de la beauté sauvage des marécages, ainsi que la prestation convaincante de Daisy Edgar-Jones (que l’on a adoré dans Normal People) malgré son personnage oubliable.

Le destin bancal et tire-larmes de Kya m’a également permis de réaliser que je n’étais plus l’adolescente adepte du « c’est incongru et irréel, mais j’ai envie d’y croire » que j’ai un jour été. Amoureuse des drames romantiques et des personnages masculins surnaturels qu’on n’ose imaginer fouler cette terre, j’ai souvent eu cette réflexion devant n’importe quelle déclaration d’amour mythique du 7ème Art : « C’est trop beau pour être vrai ». Et si c’était les situations les plus simples qui nous retournent en réalité le cœur ? Bien plus qu’un premier baiser sous une nuée de feuilles mortes blondies par les rayons du soleil, séquence qui manque d’ailleurs de passion dans Là Où Chantent Les Écrevisses. Bref. J’ai grandi, j’ai mûri, j’ai été amoureuse, déçue et trahie. Une chose est sûre, les drames romantiques ne me font plus rêver aujourd’hui. Suis-je devenue aigrie ou réaliste face à ce genre cinématographique jadis adulé ? Peut-être un peu des deux. Là Où Chantent Les Écrevisses m’aura ceci dit fait prendre conscience que mon exigence de spectatrice a largement évolué au fil des ans, ce qui n’est pas plus mal. 

Réalisé par Olivia Newman. Avec Daisy Edgar-Jones, Taylor John Smith, Harris Dickinson… États-Unis. 02h05. Genres : Drame, Thriller. Distributeur : Sony Pictures Releasing France. Sortie le 17 Août 2022.

Crédits Photo : © 2022 CTMG, Inc. All Rights Reserved.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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