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Lego Jurassic World – La Légende d’Isla Nublar : Malaise en Briques

Depuis quelques années, la licence Jurassic Park et son reboot Jurassic World ont donné lieu à plusieurs projets dérivés. Outre la série d’animation Netflix La Colo du Crétacé, Nickelodeon a commandé toute une série préquelle Jurassic World située dans l’univers Lego en 2019. Le résultat est entièrement conforme à la demande mais souligne toutes les contradictions de la nouvelle franchise.

Le potentiel en revenus merchandising aidant, Universal et Amblin ont largement décliné leur franchise préhistorique en jouets juste avant la sortie du reboot Jurassic World en 2015. On a eu droit à un jeu vidéo Lego Jurassic World, et quelques one-shot animés avant l’arrivée de ce qui nous intéresse plus particulièrement : Lego Jurassic World – La Légende d’Isla Nublar, série animée en images de synthèses produite en 2019. 

Elle prend le parti de s’inscrire dans la mythologie du parc en la situant en 2012, soit trois ans avant les événements du film. Et La Légende d’Isla Nublar se paie également le luxe de reprendre tous les personnages du film, de Owen Grady à Claire Dearing, qui occupent les mêmes fonctions – dresseur de dinos et directrice adjointe des opérations. Mais, et c’est là l’avantage et l’inconvénient de la série : chaque personnage, comme tous les autres, épouse les valeurs de Lego. 

Au fil des épisodes, peu de doute sur la véritable nature de l’entreprise : il s’agit de mettre en avant des manèges Lego fonctionnels à construire, des séquences à détruire, et inspirer les plus jeunes d’entre nous à vouloir le reproduire chez eux moyennant finances. Il est donc futile de critiquer le bien-fondé de ce mash-up entre l’univers Lego et celui de Jurassic World, mais il est intéressant de constater que les choix éditoriaux dévoilent involontairement les limites de l’opération.

Incompétents, oui, mais avec le sourire

Même si le parc est présenté comme parfaitement opérationnel, et que son patron Simon Masrani (incarné par Irfan Khan dans le premier volet de Jurassic World) a plusieurs idées saugrenues pour le faire fructifier, chaque épisode est consacré à une crise. Pas des soucis de dinos à rentrer dans leur enclos, non, mais beaucoup de destruction d’infrastructures, de salle des commandes hors tension et autre tempête bloquant les personnages à l’autre bout de l’île. Une grande partie des ressorts comiques provient donc du fait que rien n’est sous contrôle, mais contrairement au film, on n’a pas à déplorer de victimes, kids show oblige. 

Claire Dearing, dans sa version Lego, encaisse les desideratas de sa direction sans broncher, et convoite plus que tout une promotion qui ne viendra jamais…. Ainsi, au fur et à mesure des menaces pesant sur le parc de toutes parts, on nous montre des employés à l’ouest, des laborantins facilement manipulables et des directeurs distraits. Dans un épisode, alors que Ian Malcolm (seul Lego à avoir des poils sur le torse ; et personnage étant revenu à Isla Nublar avant le premier Jurassic World, ça alors !) manque à l’appel avant une conférence à l’amphithéâtre du parc, Masrani ne trouve rien de mieux à faire que de divertir le public avec des canons à t-shirts. Volontairement ou involontairement, il touche du doigt l’insouciance avec laquelle est gérée le parc alors que les problèmes s’amoncellent. A son corps défendant, malgré les happy ends de chaque épisode, La Légende d’Isla Nublar est bien dépeinte comme une catastrophe en devenir.

Les gardes du parc, le plus souvent appelés en renfort, sont systématiquement mis sur la touche de manière comique ; la cohorte de sécurité est le plus souvent vue en train de discuter du repas du midi, avec des plans de neutralisation des dinos qui ne fonctionnent jamais. Ceci dit, ils ont toujours l’esprit positif et gai de n’importe quel Lego, ce qui n’est pas de nature à rassurer. Peu importe les dénouements, les héros de Jurassic World version Lego n’apprennent jamais de leurs erreurs, et se reposent toujours sur leur principale ressource : l’inventivité de Claire et celle d’Owen accompagné de ses dinos apprivoisés. Malgré quelques gags enjoués, on appréhende le visionnage de ce spin-off animé avec un certain malaise ; évidemment, les dinosaures ne font jamais de victimes mais cela prend quelque temps avant de les mettre hors d’état de nuire. En réalité, cette minisérie accomplit un exercice de style déstabilisant. Elle entremêle la psychologie de base des Lego – positiviste, enjoué, collaboratif et toujours avec le sourire – avec les héros de Jurassic World qui tentent, pour la plupart, de sauver leur peau dans les films. On a certes envie d’acheter les dinos tous mignons et les manèges en Lego, côté mercantile, ça a une certaine efficacité ; mais l’ajout d’un méchant de seconde zone pour pimenter les épisodes finit de démontrer les limites du divertissement pour gosses. Le miroir de la médiocrité humaine tendu par Jurassic World ne peut qu’être amplifié par des personnages en plastoc. 

Avec les voix de Ian Hanlin, Britt McKillip, Dhirendra… États-Unis. 13 Épisodes x 22 Minutes. Genres : Aventure, Animation. Sur Netflix depuis 2019.  

Crédits Photo : © Netflix. 

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