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War Pony : Once Upon a Time in Pine Ridge

Récompensé aux festivals de Cannes et Deauville en 2022, War Pony, premier long métrage de la comédienne Riley Keough et de la réalisatrice et productrice Gina Gammell, dresse le double portrait de jeunes descendants de la tribu des Lakotas. En découle un drame touchant à la mise en scène maîtrisée malgré quelques facilités scénaristiques.

C’est lors du tournage d’American Honey (2016) d’Andrea Arnold, dans lequel Riley Keough tient l’un des rôles secondaires, que naît l’idée de War Pony. La comédienne américaine s’est en effet liée d’amitié à ce moment-là avec Bill Reddy et Franklin Sioux Bob, deux figurants amérindiens. Ils se sont ensuite lancés dans la co-scénarisation d’un film inspiré du vécu des deux hommes dans la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, lieu où se déroule l’intrigue de War Pony. Gina Gammell, cofondatrice de la boîte de production Felix Culpa aux côtés de Riley Keough en 2018, rejoint ensuite rapidement le trio à l’écriture. Le film dresse le double portrait de jeunes hommes de la tribu Oglala Lakota : Bill (Jojo Bapteise Whiting), 23 ans, père précoce qui cherche désespérément à joindre les deux bouts pour subvenir aux besoins de sa famille, et Matho (LaDainian Crazy Thunder), 12 ans, impatient de devenir un homme et de rendre coûte que coûte son paternel fier de lui. Si ces deux destins nous semblent au départ différents, ils sont pourtant liés par leur quête d’appartenance à une société qui leur est hostile et par cette envie indéfectible de tracer leur propre voie vers l’âge adulte.

Bill, habitué des petits délits, voit en son potentiel futur élevage de caniches le moyen d’atteindre le rêve américain, et dans son petit job actuel pour un éleveur blanc de dindes l’opportunité d’un salaire stable. Quant à Matho, il deale la came de son père dans son dos et se retrouve bien vite engrainé dans un enchaînement de profondes galères. On suit avec compassion et intérêt les péripéties des deux jeunes hommes dans leur passage à l’âge adulte, s’écorchant sans cesse sur le chemin douloureux vers l’évasion et la liberté qu’ils désirent tant. Gina Gammell et Riley Keough nous plongent dans le quotidien de cette population, dont on sent la volonté forte de retranscrire le plus fidèlement leur représentation à l’image, par le biais d’une mise en scène maîtrisée et naturaliste, aux limites du documentaire. Le casting de locaux non professionnels, et notamment les comédiens principaux Jojo Bapteise Whiting et LaDainian Crazy Thunder, débordent d’énergie dans leur rôle respectif que l’on n’imagine pas si loin d’eux et de leur quotidien. Mais malgré la tendresse flagrante des cinéastes pour leurs personnages, on ne peut s’empêcher de regretter par endroits quelques rouages scénaristiques faciles, donnant à l’intrigue des airs de déjà-vu et annihilant les aspects sociologiques et géographiques de cette communauté d’une autre Amérique, en marge du système prédominant dont la représentation au cinéma est pourtant bienvenue et captivante. On garde pourtant du prometteur War Pony des images et des moments de grâce longtemps après visionnage, à commencer par les apparitions, entre rêve et réalité, d’un gigantesque bison sauvage.

Réalisé par Gina Gammell & Riley Keough. Avec Jojo Bapteise Whiting, LaDainian Crazy Thunder, Ashley Shelton… États-Unis. 01h54. Genre : Drame. Distributeur : Les Films du Losange. Caméra d’Or au Festival de Cannes 2022. Prix du Jury et Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022. Avertissement : Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs. Sortie le 10 Mai 2023.

Crédits Photo : © Felix Culpa.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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