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Doubles vies d’Olivier Assayas – Film à clés

Avec Doubles vies, Olivier Assayas propose une habile comédie de marivaudage sur fond de crise de l’édition littéraire.

Après deux films aimantés par Kirsten Stewart (Sils Maria et l’injustement décrié Personnal Shopper) et un gros projet américain qui a capoté, Olivier Assayas semblait avoir besoin de fraîcheur. Avec Doubles vies, il s’essaye à une farce de marivaudage satirique sur le milieu professionnel de la culture. Comme le révélait directement son titre de travail, E-Book, il s’agit ici de la chronique de cinq personnages ayant un lien avec le monde de l’édition.

L’art du discours

Au début du film, Léonard (Vincent Macaigne), écrivain habitué à l’autofiction – car il ne peut rien inventer ex nihilo -, s’entretient avec Alain (Guillaume Canet), son éditeur et ami en pleine crise de doute sur son métier. Du bureau à la table d’un restaurant, les échanges s’enchainent et installent une mécanique qui ne s’interrompra plus. L’action même du film ne repose que sur les dialogues et les faux-semblants maintenus, volontairement ou non, par les personnages. Les discours s’affrontent, se confrontent, se révèlent, s’épuisent dans un dispositif entretenu plutôt astucieusement par un scénario et une mise en scène qui déploient des tensions entre les personnages.

Doubles Vies © Ad Vitam

Toujours avide d’une réflexion sur les évolutions technologiques, Olivier Assayas interroge d’abord le rapport de l’édition française traditionnelle à la consommation et à la production numérique. Doubles vies s’illustre alors, dans la continuité d’Irma Vep, comme une exploration ludique des coulisses de la création culturelle. Tandis qu’Alain refuse le dernier manuscrit de Léonard, il est embarqué dans la conception d’une nouvelle stratégie numérique avec la complicité de la jeune ambitieuse Laure (Christa Théret) qui vient troubler l’ordre de la maison d’édition. Difficile de ne pas percevoir dans cette peinture du milieu de l’édition les similarités avec l’industrie du cinéma à l’heure de Netflix. Le cinéaste conçoit ainsi un foyer décliniste, confronté à l’impossibilité d’une véritable remise en cause. Une caractéristique récurrente dans son oeuvre qui se diffuse au fil des différentes scènes de discussion de salon qui jalonnent le film.

Marivaudage

Au contexte parfois pesant et artificiel se substitue peu à peu un amusant et plus léger marivaudage entre les personnages où les comédiens excellent. Sous une influence rohmerienne, le ballet des sentiments des différents protagonistes se met en branle. Aux trois personnages déjà cités, s’ajoutent les compagnes de l’écrivain et de son éditeur : Valérie (Nora Hamzawi), chargée de communication d’un député, et Selena (Juliette Binoche), actrice dans une série télé. Les rapports au sein d’un groupe social, professionnel et amical sont alors questionnés à travers les faux-semblants et les doutes de chacun. Le film s’amuse, avec une certaine ironie, du nombrilisme des acteurs d’un milieu culturel et médiatique qui aime à se représenter dans des romans à clés. Ceux-là même dans lesquels  ils semblent peu à peu s’enfermer…

Doubles vies écrit et réalisé par Olivier Assayas. Avec Guillaume Canet, Vincent Macaigne, Juliette Binoche, Nora Hamazawi. France. Ad Vitam. 2018. Sortie le 16 janvier 2019. 

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