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Films

LE CHOC DU FUTUR : quand la musique fait flop

Pour son premier long métrage, Marc Collin, fondateur du projet musical Nouvelle Vague, s’attaque à la démocratisation de la musique électronique de la fin des années 1970. Il retrace une journée dans la vie de la pionnière Ana, qui va révolutionner l’électro après une suite d’éléments perturbateurs et de rencontres. En dépit de son sujet, Le Choc du futur ne parvient pas à trouver son rythme.

Après avoir vu des images du film au cœur de l’exposition de La Philharmonie dédiée à la musique électronique, nous étions curieux de découvrir ce premier long de Marc Collin. Sur le papier, Le Choc du futur intrigue. Tout d’abord son titre, qui sous-tend une révolution musicale dont on ne connaît pas toujours bien les tenants et les aboutissants. Puis son casting, avec des guests musicaux, comme Elli Medeiros, la chanteuse pop Clara Luciani ou le nouveau phénomène disco Corine. Enfin, et ce n’est pas rien, ce long métrage nous assurait de réhabiliter le rôle des femmes dans l’essor d’une musique bien souvent masculine. On avait hâte de découvrir ce personnage féminin face à sa machine, à la manière de Winslow Leach devant le fatras d’appareils et de câbles de Phantom of the Paradise (Brian De Palma, 1975). Un projet qui avait donc toutes les raisons de nous séduire. Dans Le Choc du futur, Alma Jodorowsky est Ana, jeune musicienne en galère, en panne d’inspiration, endettée, qui squatte chez un pote. Le temps d’une journée initiatique, elle va faire des rencontres et découvrir l’instrument du futur : la boîte à rythmes. L’inspiration revient, la musique électronique est née.

Si cette journée est décisive pour Ana (et pour le monde de la musique, visiblement), elle est assez anecdotique pour le spectateur. Marc Collin a beau poser le décor, son film comporte de grandes faiblesses et un manque visible de moyens. Le film se déroulant en quasi huis-clos dans l’appartement, les personnages, comme pour poser le décor, glissent dans leurs conversations des éléments qui permettent au spectateur de situer l’action dans les années 1970. Les mentions du magasin de vinyles Crocodisc, le dessin animé Chapi-Chapo, la bande-son de Cerrone Supernature (bien mieux exploitée dans Climax de Gaspar Noé), tout y est. Mais l’unité de lieu devient étouffante car les personnages ne sont mus par aucune tension dramatique, si ce n’est quelques interludes musicaux. Les acteurs ne semblent eux-mêmes pas convaincus du scénario, Alma Jodorowsky propose un jeu hésitant et peu animé. Les dialogues très premier degré, émaillés de poncifs, terminent de transformer ce long métrage en téléfilm.

La force du Choc du futur sur le papier, à savoir une mise en lumière du rôle des femmes dans une révolution musicale, se transforme rapidement en faiblesse. Une contradiction fort problématique…  L’intention du réalisateur est par trop visible, au point de caractériser quasiment tous ses personnages masculins comme de potentiels prédateurs. Les 20 premières minutes nous plongent dans le machisme d’un secteur musical. Mais les interventions misogynes des personnages masculins, naïves et démonstratives, n’ajoutent aucune profondeur au propos puisqu’elles ne sont jamais interrogées. Philippe Rebbot incarne un producteur lourdingue qui fait des avances à Ana. S’ensuit l’arrivée d’un pote du propriétaire de l’appartement qui lui prête sa boîte à rythmes, en ponctuant son discours de « c’est pas des machines pour les gonzesses, non je rigole » ou autres « Bon, ok, les amies de mes amis ne sont apparemment pas mes petites amies » quand elle refuse ses avances en échange du prêt de la machine. Ana balaye d’un mouvement de tête gêné ou agacé les remarques de ses interlocuteurs masculins, sans grande conviction. Côté crédibilité, le comble de l’absurdité reste cette scène de création musicale dans laquelle Ana et Clara Luciani enregistrent un morceau en quelques minutes. Elles composent à la vitesse de l’éclair et s’étonnent de leur efficacité. Elles n’y croient pas, nous non plus !

Malgré sa passion pour la musique électronique et la bonne volonté de sa bande d’acteurs/musiciens, Marc Collin ne parvient pas à faire de cette journée dans la vie d’une pionnière de la musique électro une journée exceptionnelle. On retournera donc à la Philharmonie admirer Madame Aussenac Broglie jouer de la croix sonore, dans une étonnante archive de 1934, parce que ça c’est exceptionnel !

Le choc du futur. Un film de Marc Collin. Avec Alma Jodorowsky, Philippe Rebbot, Clara Luciani, Elli Medeiros… Distribution : Premium Films. Durée : 1h24. Sortie France : 19 juin 2019.
Photo en Une : Alma Jodorowsky. Copyright MPM Premium.

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