Dr Shaun Murphy en salle d’opération – © ABC
Séries

The Good Doctor : Candide à l’hôpital

Lors du festival Séries Mania 2018, nous avons découvert les deux premiers épisodes de The Good Doctor de David Shore, diffusée aux USA sur la chaîne ABC. La série sera bientôt visible sur TF1.

Adaptée de l’éponyme série sud-coréenne créée par David Shore et l’acteur producteur Daniel Dae Kim, qui en avait acheté les droits, The Good Doctor est diffusée depuis le 25 septembre 2017 aux États-Unis. Elle rassemble les acteurs Freddie Highmore (Bates Motel) dans le rôle titre, Nicholas Gonzales (Pretty Little Liars), Antonia Thomas (Misfits), Hill Harper (CSI: NY), Richard Schiff (The West Wing), dans le cadre de l’hôpital San José St Bonaventure en Californie. Son sujet : l’arrivée houleuse d’un jeune chirurgien autiste dans un prestigieux hôpital, arrivée que ses collègues et supérieurs voient d’un mauvais oeil en raison de leurs préjugés sur l’autisme.

Une série médicale autour d’un docteur génial mais à spectre autistique créée par David Shore – on pourrait s’arrêter à un titre : House. Même créateur, même thématique, mêmes nécessités médicales et mêmes enjeux de vie ou de mort. Et pourtant la comparaison s’arrête là. The Good Doctor ne ressemble pas à sa grande soeur et c’est bien dommage. House, du fait du caractère misanthrope de son héros, se démarquait des autres séries médicales par son ton irrévérencieux et ses intrigues over-the-top assumées. The Good Doctor ressemble davantage à un Grey’s Anatomy surchargé émotionnellement et dépourvu de thématiques modernes. Une fois le message égalitaire « les autistes sont des êtres comme tout le monde et ne doivent pas subir de ségrégation professionnelle » passé, que reste-t-il ?

Des flonflons et des violons. Des actes médicaux puissamment résolus. Des personnages détestables portés par leurs préjugés. Du suspense mécaniquement distillé. Des émotions artificielles déversées jusqu’à l’indigestion et l’overdose. On ressort de The Good Doctor avec les yeux humides et le coeur sec, on pleure là où on nous dit de pleurer, parce que c’est efficace, mais on ne ressent rien de profond, car ce n’est pas sincère. The Good Doctor, c’est Candide dans l’antre des chirurgiens – connards égocentriques qui craignent davantage de perdre la face et un procès que la vie d’un patient. Candide dans tout ça, ou plutôt le Dr Shaun Murphy (Highmore), sourit naïvement à toutes les crasses qu’on lui fait, protégé en un sens par son autisme qui lui cache la cruauté et la malhonnêteté de ses collègues.

Pourtant le début était puissant : le teaser est un exemple d’efficacité en terme de suspense et de magie chirurgicale. Murphy sauve un gamin passé sous une vitre dans un aéroport avec les moyens du bord : un couteau (dérobé à la sécurité d’un aéroport post-11 septembre), un tuyau et deux bouteilles de whisky. Le rythme est donné, le message aussi – en dépit des préjugés, ce jeune docteur peut tout sauver. Pourtant ça ne décolle pas vraiment. La faute à quoi ? À des personnages secondaires peut-être encore trop égoïstes – on le sait, depuis Urgences et Benton que les chirurgiens ne s’embarrassent pas de sentiments, mais il faudrait peut-être penser à ne pas les réduire à ce cliché. Mais surtout la faute à une surabondance de flash-backs dramatiques et larmoyants à souhait sur la pauvre enfance de ce pauvre docteur autiste. Passons sur l’invraisemblance de ces souvenirs – la bande d’orphelins façon Dickens est assez risible -, on se demande encore pourquoi ces flash-backs hantent à ce point la série. Ils ne racontent rien, à part renchérir sur la difficulté qu’à eu le Bon Docteur à grandir dans ce monde, et parasitent le récit. Quand les doubles temporalités ne servent qu’à être grossièrement explicatives, elles ne sont que de l’esbroufe de créateur. Ne fait pas True Detective qui veut.

On ressort de The Good Doctor avec l’impression d’avoir été pressé comme un citron et le désir d’oublier aussi vite le mauvais moment passé. Efficace, indubitablement, inutile, certainement.

Crédits photo : Dr Shaun Murphy (Freddie Highmore)  – © ABC

Tombée de son berceau dans les livres, tombée de son vélo dans l'écriture, tombée devant les films de Wilder en VO à 11 ans et tombée encore plus tardivement devant la télé, Vinciane se nourrit d'imaginaire. Depuis, avaleuse de séries en tout genre, avec une prédilection pour les jolies créations de HBO, elle s'efforce aussi de découvrir les quelques pépites dissimulées dans la fiction française. Après tout, étant scénariste, il lui est bon de se tenir informée de la concurrence...

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