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Contes de Juillet et L’île au trésor de Guillaume Brac : Le temps d’un été

Cet été marque le retour de Guillaume Brac. Le réalisateur d’Un monde sans femmes sort en ce mois de juillet deux très beaux films cousins : un documentaire et une fiction qui explorent la parenthèse estivale.

L’été est toujours une période particulière, comme une pause hors du temps. Plus que jamais cinéaste des saisons, Guillaume Brac revient à l’été après l’hiver de Tonnerre, son premier long métrage sorti en 2014. Il a posé deux années de suite sa caméra en région parisienne pour filmer ce sentiment estival, loin des plages de l’Atlantique ou de la Méditerranée. Mais c’est bien au bord d’une plage, tout à fait artificielle, que se déroulent le documentaire L’Île au trésor et la première partie des Contes de juillet, L’Amie du dimanche. Plus exactement sur la base de loisirs de Cergy-Pontoise, déjà filmée par Eric Rohmer dans L’Ami de mon amie en 1987. Cela n’a rien d’un hasard tant Guillaume Brac reste fidèle à une esthétique et une thématique rohmerienne. Dans L’Amie du dimanche, première partie des Contes de juillet, deux jeunes collègues parisiennes, Milena et Lucie, profitent de leur dimanche pour aller à la base de loisirs de Cergy et font plusieurs rencontres, entre un jeune moniteur dragueur et un chevalier escrimeur.

Contes de juillet a été réalisé dans un dispositif très minimaliste à partir d’un atelier avec des élèves du Conservatoire de Paris durant l’été 2016, où Guillaume Brac a construit son film avec ces jeunes acteurs, laissant la place à l’improvisation, tout en leur imposant un lieu dont ils devaient s’accommoder. Il parvient ainsi à créer une brèche entre le réel et la fiction, en les brouillant, pour capter l’inconscient du jeu de ses comédiens qui conservent d’ailleurs leur propre prénom. Le réalisateur trouve en ses comédiens une manière d’interroger la jeunesse dans sa diversité, à l’image de la société cosmopolite que forment les jeunes étudiants de la deuxième partie des Contes de juillet.Un travail encore plus troublant est à l’œuvre dans le documentaire L’Île au trésor, insufflant à tout moment du jeu dans le réel. Un dispositif ludique se met alors en place, incluant le cinéaste lui-même dans sa relation avec ses sujets, dans un lieu qui, par définition, lui semble dédié. 

Paradis artificiel

La base de loisirs de Cergy a tout d’un paradis terrestre, entre sa plage, son lac, ses bosquets et ses différentes activités. C’est cependant un paradis bien gardé, entouré de grilles et d’eau que l’on ne peut franchir impunément, surveillé par des caméras et des gardiens. Un peu à la manière de Claire Simon avec le bois de Vincennes dans Le Bois dont les rêves sont faits, L’Île au trésor interroge toute l’artificialité d’un lieu niché aux abords de la ville, où la nature a été dominée par l’homme pour devenir un espace à se réapproprier. Chacun s’y accorde une place en conformité avec ses besoins : jouer, se rafraîchir, se reposer, se retrouver, séduire. Bloqués à Paris ou en banlieue durant l’été, les enfants et les jeunes en font le lieu où le jeu passe par la transgression des règles contraignantes, et celui des rencontres.

L’Ile au tresor © Les Films du Losange – 2018

Tourné un an avant, L’Amie du dimanche constitue le brouillon de L’Île au trésor selon son réalisateur, qui dès le départ avait l’idée du documentaire en tête. Il est par ailleurs étonnant que la fiction précède le documentaire et dit beaucoup du rapport très singulier que Guillaume Brac entretient avec ces deux possibilités du récit, en les entremêlant. Les deux films sont construits autour d’une même scène d’un rituel maintes fois répété, où de jeunes garçons travaillant à la base de loisirs tentent de séduire les filles en leur faisant découvrir les secrets de cette île, cherchant alors à créer un moment d’intimité sublime.

L’innocence estivale

L’Île au trésor fait la part belle aux portraits des différents habitués qui peuplent la base de loisirs, chacun constituant des instantanés estivaux. Réfugiés sur cette île le temps de l’été, une parenthèse s’ouvre dans la vie quotidienne, comme un moment dérobé, hors du temps. C’est le temps du repos et de la liberté retrouvée. Dans une séquence à la beauté renoirienne, bucolique et lumineuse, des migrants afghans reviennent sur leur arrivée en France, et les souvenirs rejaillissent. Un homme se remémore ses précédents étés et tout de suite la jeunesse renaît, dans ce film où les enfants découvrent le monde de manière sensible.

Contes de juillet © Les Films du Losange – 2018

Les échos du monde quotidien, et de sa violence, peuvent toutefois resurgir à tout moment, comme à la fin de la deuxième partie des Contes de juillet, Hanne et la fête nationale, et briser la parenthèse enchantée. Dans cette partie, plus proche du cinéma enivré de Hong Sang-soo, des étudiants étrangers logeant à la Cité Universitaire de Paris organisent un repas pour le 14 juillet. Le ballet des corps et des sentiments se met en branle, profitant de l’innocence estivale, que rien ne semble pouvoir interrompre. Si l’hiver de Tonnerre était celui d’une mélancolie triste, l’été selon Guillaume Brac reste un moment éphémère et léger, jusqu’à l’arrivée de la tempête qui signera la fermeture de la base de loisirs de Cergy et la fin de la parenthèse, en attendant l’été suivant.

L’Île au trésor de Guillaume Brac (2018), 1h37.

Contes de juillet de Guillaume Brac (2018), 1h10, avec Miléna Csergo, Lucie Grunstein, Hanne Mathisen Haga…

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