Films,  Streaming

Don’t Look Up : Révolution 360

Film catastrophe engagé au casting cinq étoiles, Don’t Look Up : Déni Cosmique est probablement le film made in Netflix le plus attendu de cette fin d’année 2021. « Inspiré de faits potentiellement réels », le dernier opus piquant d’Adam McKay est-il aussi subversif qu’il le voudrait ? Verdict ci-dessous.

Deux personnages d’astronomes, campés par Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence, font une tournée médiatique harassante pour prévenir l’humanité qu’une comète gigantesque se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire. Pourtant, personne ne prend au sérieux les deux scientifiques ; les politiques, journalistes et autres communicants dédaigneux étant trop occupés à assouvir leurs intérêts personnels au détriment de l’humanité toute entière. Avec Don’t Look Up : Déni Cosmique, Adam McKay clôt ce qui s’apparente à une vraie fausse trilogie sur les abus de pouvoir du capitalisme américain depuis le début des années 2000. Si les deux premiers opus, The Big Short (2015) et Vice (2018), axent plutôt leurs thématiques sur le passé, la crise financière mondiale de 2007 et les mandats de Bush, Don’t Look Up : Déni Cosmique s’inscrit pour sa part pleinement dans le présent. Il suffit de remplacer « comète » par COVID pour comprendre que les aléas vécus par le duo de protagonistes ressemblent à notre quotidien depuis fin 2019. 

Adam McKay n’épargne personne : les médias et leur soif d’actualités spectaculaires, les usines à fake news, le foisonnement des complotistes, les pseudo-scientifiques en quête de lumière et de gloire, les milliardaires profiteurs et les dirigeants trumpistes. La présidence du pays est ici tenue par la toujours remarquable Meryl Streep, qui arrive à mi-mandat et n’a d’yeux que pour son portefeuille et son image. Le réalisateur convoque tous les grands acteurs sociaux-politiques, avec drôlerie et finesse, pour mettre en image cette farce devant laquelle on rit jaune avant de ne plus rire du tout. Alarmiste et touffu, le film parvient à osciller entre deux genres. La comédie satirique d’abord, avec plusieurs séquences et punchlines absolument jouissives, malgré un côté un peu brouillon dans le récit et des redondances dans la seconde partie. Cette verve comique est notamment portée par l’ensemble des seconds rôles (Meryl Streep et Jonah Hill en tête), qui tirent leur épingle du jeu et constituent brillamment le cirque mené par les politiciens et les médias dont nous connaissons trop bien les rouages. Le film fait ensuite un virage du côté du drame politique, dont Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence sont les figures de proue, puisque leurs personnages de Cassandre sont à contretemps du tempo satirique et deviennent malgré eux des parias.

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ma première écoute de L’Odeur de l’Essence d’Orelsan en visionnant ce film étrange. Les deux expériences paraissent assez similaires. D’abord secoué par les propos, basiques mais percutants, on s’enthousiasme et on frissonne de terreur en même temps avant de se demander si la démarche réinvente véritablement la roue. Après réflexion/digestion, Don’t Look Up : Déni Cosmique tourne à plusieurs reprises à la démonstration évidente (notamment par le biais d’inserts dont le spectateur se serait bien passé, tant ils desservent et infantilisent le propos) et se complait dans une relation didactique superficielle avec le public, par le biais de clins d’œil appuyés. Les spectateurs sont déjà largement au fait de l’urgence politique, écologique et humaine. Avec sa volonté à la fois éducative, moqueuse, pontifiante et anxieuse, Don’t Look Up : Déni Cosmique ne sait en fin de compte pas sur quel pied danser et nous laisse en carafe. Le film aurait en somme gagné à être bien plus profond pour porter son propos acerbe et tristement contemporain. Cette satire de la société américaine – et mondiale – reste un agréable divertissement incisif et efficace, aussi amusant qu’agaçant.

Réalisé par Adam McKay. Avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett… États-Unis. 02h22. Genre : Comédie. Sur Netflix le 24 Décembre 2021.

Crédits Photo : © Niko Tavernise / Netflix.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Membre du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de télévision, elle est passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag et Boum! Bang!, et a été rédactrice chez les Écrans Terribles entre 2018 et 2024.

One Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.