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X : L’Orgie Tourne Mal

Couronné en son temps future révélation du cinéma de genre, Ti West revient en force neuf ans plus tard avec X, petit bonbon gore et piquant qui suit les aventures champêtres d’une petite équipe de tournage de porno clandestin au cœur du Texas profond. Référencé à souhait, sans prétention sur la profondeur de son propos, mais non sans un soupçon de démago, l’orgie sanglante made in Far West de Ti West propulse son héroïne multifacette, Mia Goth, dans l’hyperespace du nouvel Nouvel Hollywood. Celui qui recycle et invente en même temps.

« Tu écris un papier sur Ti West ? Alors cite trois de ses films ! ». Bin non. Ou plutôt si. X, Pearl et MaXXXine, les trois opus de la trilogie à venir que nous mitonne West dans une crise manifeste d’hyperactivité cinématographique. Commençons déjà par jouer franc-jeu, le fétichisme compulsif qui entoure le cinéma de genre m’a toujours ennuyée. Je comprends pourtant très bien comment l’eXcitation peut monter avec le fait de collectionner, référencer et posséder. Mais je préfère chercher au cinéma une forme d’anarchie qui répond mieux selon moi à celle de la vie quotidienne, sans tenter de l’annuler par la pensée. D’ailleurs, je ne collectionne pas les Blu-ray et je maltraite mes vieux DVD. « Vraie fan » de rien du tout, ou plutôt curieuse de tout, c’est en Footix décomplexée du genre (prononcé à l’américaine pour l’effet snob) que j’aborde l’objet X, a priori très identifié. 

Mignonne allons voir si la rose

En contrepied du mouvement baptisé en toute simplicité « elevated horror » (horreur élevée), en référence à la récente mouvance de films d’horreurs chics, lents, léchés et bourrés de métaphores socio-politiques ostensibles (The Witch, Midsommar, etc.), X s’apparente plutôt à de la non-elevated horror très futée. En s’appropriant l’esthétique graveleuse des années 70 et en propulsant direct le spectateur au milieu d’un bain de sang, sans même parler de son titre très transparent, X annonce la couleur sans bluffer. On apprécie d’autant plus le tour de manège que Ti West semble être un des rares cinéastes obsessionnels à posséder un sens de l’autodérision, ce qui allège la démarche et rend le film vivant. Il parvient en même temps à maintenir le cap d’un premier degré obstiné qui s’impose parmi les couches d’ironie et de citations. Avec une insolence inoffensive mais sans éparpillement, X vise simple, tire droit au but et fait sauter les vannes du refoulement pour porter jusqu’au bout son sujet, presque moderne : « on choisit qui on aime, pas qui on a envie de baiser ». 

Car oui, sans grande surprise, X n’est pas un film sur le cyclimse mais bien un film sur le cul. Et sur la frustration. Avec le consentement joyeux de toute une bande d’exploités, West nous entraîne vers le grand frisson d’un jeu de massacre entre une chatte sanguinaire désaxée et des petites souris pas si innocentes, déjà condamnées par la société. Attention ce spoiler n’en est pas un, car la vraie invention de la trilogie débridée de West, c’est bien l’univers cinématique de Mia Goth, impératrice multifacette au charme magnétique. Elle interprète dans ce premier opus à la fois la gentille et la méchante et reprendra le costume de chacune d’entre elle dans Pearl puis dans MaXXXine qu’on est (un peu) curieux de découvrir. C’est donc sans chercher à se cacher que X s’appuie sur les mythes de la mégère mal apprivoisée et surtout mal baisée, qui ne supporte pas la décrépitude du temps qui passe et va tout niquer sur son passage, à défaut de pouvoir niquer pour de vrai.

La rose va bien te défoncer.

Quand on connaît pour ainsi dire le principe et la fin, ça laisse plus de temps pour kiffer le chemin. On prend donc notre pied à tenir le compte de qui meurt en premier (mérité), imaginer de quelle manière précise tout le monde va se faire trucider et apprécier l’inventivité de la mise en scène jouissive et bien rythmée. On ferme au passage volontiers les yeux sur le sous-texte (si on peut dire), misogyne sans subtilité, et sur cet appétit féroce du morbide qui reste bloqué sur le canon de la libido destructrice par défaut. On évoquait aussi une certaine démago, incarnée par un discours fort creux : « No matter if you’re White, Black, straight or gay, sex is sex » (le sexe, c’est pareil pour tout le monde, Blancs, Noirs, hétéros ou gay). Certes, mais X, joyeusement apolitique à défaut d’être tout à fait amoral, reste construit sur des fantasmes de base assez classiques, masculins, adolescents et hétéronormés.  Ceci dit, le réalisateur très en appétit s’amuse comme un petit fou et nous invite dans une posture presque candide à festoyer avec lui. On n’est pas dupe, on sent bien au fond qu’on se fait enfiler, mais le petit jeu décadent de X est parvenu à nous exciter et on n’est, pour cette fois, pas réfractaire à l’idée.

Réalisé par Ti West. Avec Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow… Etats-Unis. 01h45. Genres : Epouvante-horreur, Thriller. Distributeur : Kinovista. Sortie le 2 Novembre 2022. 

Crédits Photo : © Capelight Pictures OHG / Christopher Moss.

Fairouz M'Silti est réalisatrice, scénariste et directrice de publication des Ecrans Terribles. Elle attend le jour où la série Malcolm sera enfin mondialement reconnue comme un chef d'oeuvre.

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