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Zillion : Citizen Z

Après le remarqué Les Ardennes (2016) et le plus discret The Silencing (2019), le réalisateur belge Robin Pront livre un troisième long métrage boosté aux stroboscopes et à la musique techno en faisant renaître l’atmosphère débordante du Zillion, la boîte de nuit mythique d’Anvers, et l’histoire de son cofondateur, l’ambivalent et intenable Frank Verstraeten.

Anvers, 1997. Frank Verstraeten (Jonas Vermeulen) est un génie informatique au flair avéré pour les affaires. Régulièrement recalé à l’entrée du Carré, célèbre discothèque de Willebroeck, Frank se met en tête d’avoir son propre lieu de vie nocturne pour écraser, voire anéantir, la concurrence. Superficie gigantesque, pistes de danse tournantes, spectacles laser, feux d’artifices et stroboscopes à l’unisson des DJ Set… Le Zillion en met plein les mirettes ! Pour s’assurer la présence sur le dancefloor de V.I.P et des plus belles femmes du pays, notamment Vanessa (Charlotte Timmers), Miss Belgique, Frank s’associe à Dennis Black Magic (Matteo Simoni), le « Roi du porno » local, et son carnet d’adresses bien rempli. En découle un cocktail sexe, drogue et techno qui va faire exploser le succès de Frank, mais également attiser la jalousie de ses concurrents et de ses employés… Zillion est à l’image de son protagoniste principal, démesuré et excessif. L’atmosphère visuelle, dopée aux stroboscopes et aux couleurs fluo, matche parfaitement avec l’ambition sans limite de cet homme qui fait rire de sa petite taille et dont beaucoup attendent patiemment la chute. Truand et audacieux comme pas deux, Verstraeten est prêt à tout pour avoir ce qu’il désire. Chose qu’il atteint rapidement, en mettant Miss Belgique dans son lit, en devenant une vedette locale et en rendant sa boîte de nuit plus attractive que le Carré. Mais, sans surprise, il va ensuite progressivement perdre les pédales.

On pense à beaucoup d’autres films de type rise and fall devant Zillion. Certaines séquences clefs évoquent notamment Casino (1995) et Les Affranchis (1990) de Martin Scorsese, et le film prend souvent des allures de l’extravagant Le Loup de Wall Street (2013) par la personnalité hors-norme de son personnage central et la surenchère visuelle qui peut fatiguer la rétine sur la longueur. L’intrigue rappelle également celle de l’excellent Belgica (2016) de Felix Van Groeningen, relatant les aléas de deux frangins à la tête d’un bar de Gand qui finit par se gangréner de l’intérieur. Le film parvient pourtant, malgré ces multiples références, à s’en démarquer admirablement. Aussi fascinant que flippant, Zillion dresse le portrait véridique et haut en couleurs de Frank Verstraeten (aka DJ Fou), qui brassait des millions alors qu’il avait à peine trente ans sans se soucier du lendemain et des conséquences de ses actes. Le destin extraordinaire de cet homme intenable se déroule sous nos yeux écarquillés sans jamais savoir où il va s’arrêter. Les effets boule de neige s’accumulent lentement mais sûrement, et on avoue sans détour se délecter devant la déchéance fatale de Frank, tant son égo gonfle à mesure que grandissent les galères. Une fresque romanesque et décadente qui nous (re)plonge dans cet univers club fou de la fin des nineties sur fond de boum boum, et dont on ressort éreintés mais électrisés. 

Réalisé par Robin Pront. Avec Jonas Vermeulen, Matteo Simoni, Charlotte Timmers… Belgique, Pays-Bas. 02h18. Genres : Drame, Biopic. Distributeur : CGR Events. Interdit aux moins de 12 ans. Sortie le 21 Juin 2023.

Crédits Photo : © D. R.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Membre du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de télévision, elle est passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag et Boum! Bang!, et a été rédactrice chez les Écrans Terribles entre 2018 et 2024.

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