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L’Espion qui m’a larguée : Laborieusement Vôtre

Une des propositions estivales de comédie décomplexée, L’Espion qui m’a larguée remplace les affiches résolument masculines des comédies d’action cultes par un tandem féminin. Mais le vrai traître dans cette mission, c’est son scénario.

Si l’été est souvent un moment d’expérimentation pour le cinéma international, il devient de plus en plus prévisible en ce qui concerne le cinéma américain. Et en particulier sur les sorties d’août, qui sont toujours l’occasion de caser des films d’action irrémédiablement populistes  (En Eaux Troubles, Equalizer 2), des tentatives de films de genre young adult mâtinés de fantastique (Darkest Minds et Kin) sans oublier les comédies adultes, avec si possible de l’action. L’an dernier, le spectateur bronzé aoûtien avait plébiscité Hitman & Bodyguard, comédie d’espionnage débridée avec deux stars charismatiques : Samuel L. Jackson et Ryan Reynolds. Ce fut une telle réussite qu’une suite est en préparation. La sortie à la même période de L’Espion qui m’a larguée n’est pas étrangère à ce succès surprise. Le film de Susanna Fogel, qui fait une incursion dans le studio system après une carrière avortée dans le milieu indépendant américain, parie avant tout sur le nom de Mila Kunis. Cette dernière a plusieurs atouts : elle est à la fois une habituée des comédies trash (Ted), romantiques (Sexe entre Amis), et des films d’action généreux mais décriés (Max Payne, Jupiter : Le Destin de l’Univers). Des choix de carrière qui la mènent naturellement vers ce buddy movie d’espionnage. Le principe est simple, testé et approuvé : deux meilleures copines, Audrey (Kunis) et la déjantée Morgan (Kate McKinnon) vont devoir affronter une horde d’espions internationaux, qui courent tous après une clé USB capable de causer des désastres technologiques majeurs.

L’Espion qui m’a larguée ©Metropolitan FilmExport

L’Espion qui m’a larguée est un film avec beaucoup de potentiel, reposant sur le talent de ses deux comédiennes principales. Kate McKinnon (tout comme Kristen Wiig avant elle), enchaîne des rôles de composition débridés avec un appétit saisissant pour la réplique qui fait mouche, les apartés qui font décrocher un sourire, et la grimace élastique qui n’a rien à envier à Jim Carrey. En tant que délurée de service, c’est elle qui rend les situations dangereuses totalement explosives, et c’est encore elle qui sert de comparse badass à une Audrey (Kunis) trop timorée. Disons-le tout net : c’est bien un festival McKinnon. De fusillades en courses-poursuites en passant par des interrogatoires musclés, la comédienne tout-terrain entend laisser une impression indélébile sur le public. Une recette éculée qui nous laisse malheureusement sur notre fin.

L’Espion qui m’a larguée traverse autant de genres balisés qu’un peloton de Tour de France sous amphétamines. Dommages collatéraux, les personnages secondaires n’ont aucune chance de briller. Sam Heughan, découvert dans la série Outlander, incarne un des seuls alliés du duo tout en ayant l’air d’avoir été recalé quelques minutes plus tôt du casting d’un Mission : Impossible. A ses côtés, un collègue de carton-pâte, joué par le très énergique Hassan Minhaj. Les personnages stéréotypés (boss acariâtres et pince-sans-rire, ici sous les traits d’une Gillian Anderson effacée et absente, un comble !) sont convenus jusqu’à l’absurde. Et, là où Spy de Paul Feig réimaginait l’univers Bond en magnifiant ses stars, Susanna Fogel entraîne ses actrices d’épreuves en épreuves avec l’acharnement d’une coach olympique. La seule originalité du film tient en ses choix musicaux de standards kitsch du début des années 1990, période largement exploitée par la réalisatrice (Imagine, la société de production de Ron Howard qui produit L’Espion qui m’a larguée, a rencontré un grand succès avec des comédies d’action comme Un Flic A La Maternelle).

L’Espion qui m’a larguée ©Metropolitan FilmExport

Le point noir de L’Espion est dans la  gestion des séquences d’action. Toute tension est désamorcée par un montage avortant la surprise ou le danger. Le tandem Audrey/Morgan défie les balles, les tueurs et les agences internationales d’espionnage avec une simplicité confondante. Susanna Fogel (également coscénariste du film) ne satisfait ni le public désireux d’épancher sa soif de spectaculaire hollywoodien ni celui venu rire de cette enfilade de lieux communs forçant le ridicule. La subversion féministe promise par L’Espion qui m’a larguée retombe également comme un soufflé, avec une héroïne qui parvient – ô surprise – à laver son honneur après les mensonges d’un ex absent et rustre.

Dans son audace à proposer des séquences d’action que ne renierait pas un Expendables, Fogel ne fait qu’aligner des lieux communs comme pour chercher l’approbation du public. En réalité, ces bonnes intentions ne font que rendre les incohérences flagrantes, rallongent des séquences aux situations trop simplistes, et faire perdre de la vitesse à un film qui tente laborieusement de garder le spectateur en haleine. Cette balade européenne, qui se repose sur les talents d’acrobate (au propre comme au figuré) de Kate McKinnon, est finalement une approche du genre réchauffée ou au mieux goguenarde s’achevant par une énième fin à tiroirs. Trop d’efforts tue l’effort.

De Susanna Fogel. Avec Mila Kunis, Kate McKinnon, Justin Theroux, Sam Heughan. Nationalité : américaine. Durée : 1h58. En salles le 8 août. Distributeur : Metropolitan FilmExport.

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