Osmosis Julius Berg by Les Ecrans Terribles
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Osmosis (Netflix) : Rencontre avec le réalisateur Julius Berg

Une proposition de genre pour la troisième production française de Netflix (avec Capa Drama en producteur délégué), ce n’était pas gagné d’avance. Non pas que les bonnes idées et les talents manquent. Mais les tentatives de science-fiction télévisée (Trepalium et Transferts d’Arte ou encore Section Zéro sur Canal +) ont pullulé ces dernières années, avec pas mal de moyens mais des retours critiques et d’audience tièdes, pour ne pas dire plus. Très librement adaptée d’un format court diffusé sur Arte Creative, Osmosis conte le devenir de 12 cobayes choisis pour une expérience qui pourrait changer le cours de leur vie. Une application révolutionnaire permettrait à chacun d’entre eux de trouver son âme sœur grâce à la magie de l’algorithme… et de maintenir un contact mutuel, dans un état d’harmonie parfait – ou béat, suivant la perspective. Entourée d’une dizaine d’auteurs, Audrey Fouché, scénariste sur Les Revenants, était attendue au tournant. Pour les deux premiers épisodes, la production a fait appel à Julius Berg, habitué aux piges sur des policiers (Falco) et des thrillers (La Forêt, pour France 3). En marge de la présentation de la série, à Séries Mania Lille, le réalisateur lève un pan du voile sur la série d’anticipation.

Qu’est-ce qui vous a plu à la lecture des scénarios et vous convaincu de mettre en image Osmosis ?

Julius Berg : Au-delà d’une promesse visuelle, et des enjeux éditoriaux liés à son statut de première série d’anticipation française pour Netflix, le sujet me paraissait très actuel. Comment une génération ultra-connectée est-elle, au final, isolée ? Comment les réseaux sociaux peuvent-ils s’avérer désocialisants ? Comment cette jeunesse essaie-t-elle de redéfinir les relations amoureuses ? On a tous été un peu éduqués aux comédies romantiques qui nous faisaient penser que la relation amoureuse était liée à une question de durée et d’engagement : « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». À l’inverse, Titanic, qui a marqué toute une génération, montre une histoire d’amour réussie, mais pas du tout liée à une question de durée. Je pense que la jeunesse peut être perdue entre la volonté de vivre une histoire très intense et celle de ne pas être limitée par des contingences quotidiennes inhérentes à la vie en couple. J’aimais aussi qu’Osmosis soit pensée comme une série chorale, et qu’elle n’apporte pas de réponses tranchées. Ce n’est pas une critique du transhumanisme.

En débarquant sur un projet Netflix, les attentes sont forcément différentes, puisqu’il y a un public potentiel de 190 pays, et des règles différentes concernant la censure suivant les territoires. Est-ce qu’il vous a fallu un temps d’acclimatation au cahier des charges, ou la collaboration a-t-elle été contenue entre les producteurs, les auteurs et vous ?

On a été très libres vis-à-vis de Netflix. Ils ne sont pas intervenus pendant la dernière étape de préparation et au montage. Je ne les ai pas vus avant. Je dirais que le processus de fabrication est le même, si ce n’est que les enjeux et les attentes sont plus importants. On n’est pas dupes, on nous attend au tournant, et c’est aussi une vitrine du savoir-faire français que Netflix offre au monde. Il y a eu des difficultés à l’écriture, qu’on a essayé de surmonter. On a essayé de faire de notre mieux dans notre travail, en particulier sur une série comme celle-là, qui partait d’une websérie. Il fallait repenser ce pitch pour un format plus long, qui pourrait se décliner sur plusieurs saisons.

Sur une série d’anticipation comme Osmosis, comment trouve-t-on la bonne alchimie ? Est-ce qu’elle passe par la construction d’une atmosphère avec les décors ? Par les répétitions avec les acteurs, en particulier les cobayes, qui ont des profils très différents ?

Ce qui a pris le plus d’énergie, c’était de régler les problèmes d’écriture avant le tournage. Après, on a beaucoup travaillé avec les différents chefs de poste (chef opérateur, costumier, décorateur, ndlr). Moins avec les comédiens, même s’il y a eu des sessions de lecture individuelle et collective. Il a surtout fallu dessiner un peu mieux les personnages, trouver leurs couleurs. C’est un travail qui s’échelonne jusqu’au montage.

©Netflix

Vous avez affirmé que, pendant le tournage, vous aviez accès à un matériel technique permettant d’avoir des rushes en très grande résolution. Est-ce que c’était un rêve, en tant que réalisateur, d’adapter votre savoir-faire à ces exigences techniques ?

L’intérêt du 8K pour les rushes était d’avoir un capteur très grand, et donc une profondeur de champ plus faible. Le streaming de Netflix est en 4K, mais la résolution peut être plus faible sur certains écrans. On voulait adapter la technique à ce qu’on voulait raconter, et ne pas se laisser déborder par ces considérations-là. Notre chef opérateur vient du cinéma, et lors des discussions qu’on a eues, on a voulu amener un piqué un peu fin, un peu plus cinématographique. Et les dernières générations d’optique que l’on avait à disposition nous le permettaient. Cela faisait sens pour un projet Netflix qui se voulait aussi très visuel, où la direction artistique a un rôle à jouer. Mais on oublie très vite la technique.

Combien de ces éléments de direction artistique étaient déjà présents dans le scénario, et quelle marge de manœuvre avez-vous eu pour réaliser cet environnement de start-up futuriste ?

On voulait faire une série d’anticipation qui marque, sans tomber dans les écueils du blockbuster américain, car on n’en avait ni les moyens, ni le temps. L’idée, c’était d’être assez épuré et minimaliste. Il y a pas mal d’effets spéciaux, mais ils sont discrets et essentiellement liés aux écrans numériques, aux trucages des décors. Osmosis était un projet qui pouvait vite coûter très cher si on débordait du cadre. Sur une série, le réalisateur n’est pas l’auteur premier, c’est un super-technicien qui est là pour améliorer l’histoire, le scénario déjà écrit. Son rôle est de mettre en images une histoire et des personnages, et synchroniser des outils visuels avec ce qu’on a envie de raconter. Une fois que l’ADN est posé avec l’équipe, on laisse la main au chef opérateur, qui sur cette série, a assuré la continuité avec les autres réalisateurs, tout comme l’équipe technique. Mais cela fait partie du job de laisser la main à d’autres réalisateurs.

La première séquence, dans l’imagination d’Esther (Agathe Bonitzer) alors qu’elle est connectée sur Perfect Match (le concurrent d’Osmosis) a une image très, très léchée, presque de papier glacé. Est-ce que l’idée était d’introduire une esthétique « fake » pour trancher avec le reste de la série ?

On a tourné cette séquence au Stedicam, dans un endroit très prestigieux sur les Champs-Elysées. L’idée était de marquer le contraste entre le virtuel assez séduisant, et la réalité crue de ce personnage qui est seul, isolé, y compris dans sa vie sentimentale, avec un esprit beaucoup plus cartésien.

Florian Etcheverry

Osmosis, 8 épisodes de 45 mn. Sélection Séries Mania 2019 (Compétition française).
Disponible sur Netflix depuis le 29 mars 2019.
Photo en Une : © « Osmosis » / Netflix / 2019

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