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The Innocents : Les Amants d’Une Peau Neuve

Expériences sur cobayes humains, fugitifs, tourments adolescents, changements de forme : beaucoup de l’ADN de The Innocents, dernière livraison ado de Netflix, est déjà connu. Mais qu’est-ce qui fait suivre une voie unique à la série ?

« Quand vous dites je t’aime pour la première fois… À quoi vous engagez-vous vraiment ? » Pour Hania Elkington et Simon Duric, il s’agit de la question au centre de leur toute première création, The Innocents. Un couple d’inconnus derrière la caméra pour filmer un couple d’adolescents maudits : le concept est séduisant, et c’est le dernier pari relevé par Netflix afin de pouvoir former sa propre écurie de talents. Seul le réalisateur, Farren Blackburn, est un véritable vétéran de la télé britannique, mais il ne sert que de messager à une vision bien singulière. Car The Innocents, a contrario de ses deux protagonistes, est loin de partir en trombe.

June (Sorcha Groundsell) est amoureuse de Harry (Percelle Ascott). De correspondances épistolaires en correspondances épistolaires (un cliché old-school, mais qui correspond ici à une vision refusant toute technologie : c’est à peine si un téléphone portable et un ordinateur sont entrevus) se dessine une évidence : il faut partir, et laisser leurs parents étouffants derrière pour s’enfoncer dans la campagne écossaise profonde. Mais le père de June, John (Sam Hazeldine), connaît un secret, celui qui a éloigné son épouse, maintenant recueillie dans un mystérieux centre de convalescence entre les mains de l’inquiétant « docteur » Halvorson (Guy Pearce) : June peut changer de forme et adopter l’apparence de n’importe qui, d’un seul toucher. Et d’autres personnes dotées de ce même pouvoir vont rapidement suivre les amants maudits….

The Innocents © Netflix

Si The Innocents ressemble à une énième resucée d’ados dépassés par leur pouvoir, le malentendu est vite dissipé…. Ce n’est pas un hasard si la série compte quelques sous-titres norvégiens : les emprunts assumés de la mise en scène au nordic noir transforment le majestueux et reculé paysage écossais en terrain de fin du monde. Le design sonore oppressif ajoute au sentiment d’aliénation qui s’installe peu à peu. Car, malgré ses 8 petits épisodes, le meilleur allié de The Innocents, c’est bien le temps.

Peu importe le fin mot du mystère entourant June. La mythologie est bien présente dans la série, mais les révélations sont loin de pleuvoir de séquence en séquence. On comprend vite pourquoi :  entraîner Harry et June dans un tourbillon de rebondissements, faux amis et traîtres entacherait la relation naissante. Ce que The Innocents veut avant tout, c’est partager les moments intimes entre personnages, même lorsqu’il s’agit de poursuivants fourbes. Oui, il y a de la mélancolie, des laissés-pour-compte en pleine convalescence, et la terreur s’installe via quelques séquences bien troussées qui tirent le meilleur du côté obscur de Guy Pearce. Oui, les parents impulsifs tentant désespérément de retrouver leurs enfants peuvent vite endormir les abonnés au service de SVOD trop impatients. Mais pour autant, il est hors de question de transformer la série en True Blood. La confiance du téléspectateur est fragile, et l’équipe de The Innocents le sait bien. Elle va donc nous tenir la main, comme un-e prétendant-e un peu anxieux-se, et développer son propos timidement.

The Innocents © Netflix

Cette timidité ne va sans doute pas être du goût de tout le monde. Peu de confrontations explosives émaillent The Innocents, et même les effets spéciaux font dans l’anti-spectaculaire, tirant surtout avantage de la fraîcheur de ses comédiens dans des moments plus surnaturels. La métaphore inhérente au genre, si limpide dans d’autres séries, se fait trouble ici : difficile de voir dans les pouvoirs de June une métaphore filée de la bipolarité ou de la schizophrénie, tant Sorcha Groundsell, yeux cristallins à la Elizabeth Olsen, crée l’ambiguïté à travers son jeu. Le spleen ado de la saison 1 ne fera peut-être pas de mue satisfaisante, mais il se traduit d’ores et déjà par une des propositions de série les plus radicales jamais commandée par Netflix.

Série créée par Hania Elkington et Simon Duric. 8 épisodes de 45 minutes. Pays : Grande-Bretagne. Avec : Sorcha Groundsell, Percelle Ascott, Guy Pearce. Disponible sur Netflix dès le vendredi 24 août.

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