Festoval-Off-Courts
Festival Off Courts

Trouville Express #3 : Mouettes, nonnes et cures marines

Lundi, troisième journée de débauche au lieu-dit Trouville-sur-Mer. Le festival Off-Courts commence à tourner à sa vitesse de croisière, les projections s’enchaînent mais ne se ressemblent pas, le Village est toujours aussi bondé et chaque jour a son content de tables rondes et de rencontres.

Je commence tranquillement ma journée par la projection du programme de compétition « France 3 », dans l’éternel Cinémobile. Si la salle est confortable, ses parois ont tout de même la particularité de laisser filtrer le cris des mouettes amassées en bord de canal. Cette configuration singulière offre donc une expérience intéressante : on entend parfois les oiseaux hurler à la mort alors que le film se passe dans un appartement parisien, ou bien dans l’espace. Mais bon, c’est aussi pour ça qu’on aime Trouville !

Du programme « France 3 » on retiendra Artem Silendi, de Frank Ychou. Petite perle rythmique et ingénieuse, le film – sans une seule ligne de dialogue – décrit un repas entre des nonnes bénédictines, alors que deux d’entre elles se battent silencieusement pour avoir la plus grosse part de poisson. C’est méchant, mesquin, ultra-efficace, et très bien mis en scène. La chorégraphie des mouvements de caméra et du montage vient dénoncer la jalousie rampante dans cette sororité à l’apparence paisible. Malicieuse parabole sur le partage – ou pas -, le court métrage détonne dans un programme qui en avait bien besoin. Musique pop, nonnes et travelling. Amen.

A la sortie de la salle, direction les luxueuses Cures Marines, où est installé chaque année le Marché du Film. Ce dernier offre un catalogue très fourni où les producteurs/trices, distributeurs/trices, acheteurs et diffuseurs viennent voir des courts métrages sur des stations individuelles. Le Marché organise également des rencontres afin de favoriser la vente de courts métrages – un des atouts de Trouville étant la forte représentation des professionnels québécois.

Alors que tout mon corps désire une sieste, posé pépouse sur la plage au soleil, la probité exceptionnelle de mon devoir journalistico-masochiste m’amène à nouveau au Cinémobile, pour le programme « Europe et Francophonie 1 ». Soulignons la qualité de cette séance, très hétéroclite, où les films, tous diamétralement différents, semblent se répondre et offrent un ensemble assez jouissif. On retient Wildebeest de Nicolas Keppens et Matthias Philips, comédie satirique qui se déroule au fin fond de la savane, et qui conjugue animation et images réelles. On passe du rire à la contemplation en un claquement de doigt. Le film dégage une puissante onde de mélancolie, assez inattendue.

Autre belle découverte : Happy Today de Giulio Tonincelli, documentaire – inégal, certes – sur une jeune sage femme en Ouganda et son apprentissage pour donner la vie. Le court métrage prend de la force à mesure qu’il se développe, dans un puissant élan de spiritualité, notamment grâce à la personnalité assez exceptionnelle de la jeune sage femme Patricia, dont on admire la force tranquille.

La journée s’achève par la projection du premier long métrage de Michaël Dacheux, L’Amour debout, présenté en mai par l’ACID à Cannes et distribué par Epicentre Films. Après une vingtaine de minutes où le film demande un lâcher-prise sur les conventions de narration habituelles, je me laisse porter par la nonchalance joyeuse des personnages. Paul Delbreil y est très charismatique en jeune homme monté à Paris pour accomplir ses rêves de réalisation. Le long métrage propose en outre un mélange particulier des styles de jeu, avec des comédiens professionnels et amateurs. Le résultat est étonnant, comme un frottement sensoriel et auditif entre différents éléments non-miscibles, mais renforce l’impression de vie que dégage le film. L’Amour debout est très doux, avec peu de conflits narratifs, et le film en devient comme une caresse, sincère et attendrissante.

Je retrouve l’équipe du film à la Guinguette, où comme chaque soirée – vous l’aurez compris – je mets un point final à la journée avec beaucoup d’alcool.

Stay tuned !

Photo en Une : (c) Julien Helie / Festival Off-Courts

Alexandre Lança est scénariste et réalisateur. Il considère Oprah Winfrey et J.K Rowling comme ses mères adoptives et est l'heureux possesseur d'un Dracaufeu shiny niveau 100. Depuis 2017, il est également membre élu au bureau de la Société des Réalisateurs de Films (SRF).

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