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Trois raisons de découvrir « La Chimère »

La rédaction des Écrans Terribles vous donne trois bonnes raisons de découvrir La Chimère, quatrième long métrage d’Alice Rohrwacher en compétition au dernier festival de Cannes. Un tourbillon d’émotions magnifié par la douce mise en scène de sa cinéaste.

LE PITCH : Arthur (Josh O’Connor), tout juste sorti de prison, retrouve dans son village une bande d’amis : des pilleurs de tombes étrusques. C’est pour lui un moment de reconstruction après une période douloureuse et un amour envolé.

Une interprétation somptueuse

La Chimère est un film de groupe dont chaque personnage secondaire est aussi soigneusement filmé, écrit et mis en valeur que les personnages principaux.  Si on est heureux de retrouver au casting la présence de Lou Roy Lecollinet (Esther dans Trois souvenirs de ma jeunesse de Desplechin) et d’Isabella Rosselini (méconnaissable et profondément attachante dans son rôle), on ne peut que s’extasier devant la partition divine des deux comédiens principaux. D’abord, Josh O’Connor, révélé par The Crown qui ici offre un personnage tiraillé, qu’on découvre fermé et bougon avant de le voir s’épanouir au fil des évènements. Arthur est une sorte de bohémien fidèle, respecté par ses pairs (et indispensable au bon fonctionnement de leur plan) et surtout aimé, autant par les autres personnages que par le spectateur qui tombe sous le charme. Et puis, il y a Carol Duarte, actrice brésilienne révélée par La Vie Invisible d’Eurídice Gusmão de Karim Aïnouz, bouleversante dans le rôle d’Italia, jeune servante partagée entre la morale et l’envie de vivre dignement. Tous deux offrent avec chacune de leur confrontation les plus belles séquences du film.

Une mise en scène entre classicisme et modernité

Difficile d’enchaîner après le chef d’œuvre qu’est son troisième long-métrage sorti en 2019 : Heureux Comme Lazzaro. Pourtant, Alice Rohrwacher ne faiblit pas et propose avec La Chimère un parfait mélange entre classicisme et modernité. Classicisme en privilégiant à nouveau la pellicule pour filmer l’Italie des années 1980, la couleur s’imbrique subtilement dans le décor de ce petit village et la cinéaste n’hésite pas à utiliser des effets pratiques pour ses séquences “d’envoûtement” empruntés aux premiers films d’épouvantes (l’effet “inversement de plan”). Modernité pour la multiplicité des formats d’image (qui changent d’une scène à l’autre avec des bords d’écran parfois arrondis) et de caméras (on passe du 8mm au 16, et même au 35mm) qu’elle met en forme habilement. Cette dichotomie entre ces deux univers temporels prend magnifiquement son sens dans une histoire comme celle-ci, où des personnes dans le présent cherchent des reliques enterrées dans le passé. Rohrwacher filme beaucoup les portes (passage entre deux mondes) et les mains (symbole ultime de la transmission) pour appuyer son propos dans cette histoire entre deux mondes avec beaucoup de malice et d’inventivité.

Un récit sublimé par la métaphore

Ce n’est pas la première fois qu’un film d’Alice Rohrwacher brille par son utilisation de la métaphore. Chaque scène, chaque plan et chaque dialogue poétisent son propos quitte à manquer de subtilité. Ainsi, on ne peut qu’être bouleversé par sa relecture du fil d’Ariane, qui nous suit tout au long du film pour appuyer la transmission et la volonté de retour en arrière d’Arthur exalté dans la séquence de clôture, la plus belle du film. On ferme même volontiers les yeux sur le personnage de Carol Duarte au nom aussi délicat qu’un minotaure dans un magasin de porcelaine.  Tout de même, les multiples niveaux de compréhension et de sous-entendus politico-sociaux du récit n’auraient pas pu être aussi bien interprétés si le personnage n’avait pas un patronyme aussi évident. Le film foisonne d’inventions (les oiseaux, la tête de la statue, la chanson…) mais on vous laisse les découvrir par vous-mêmes !

Réalisé par Alice Rohrwacher. Avec Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini… Italie, Suisse, France. 02h10. Genres : Drame, Comédie. Distributeur : Ad Vitam. Sortie le 6 Décembre 2023.

Crédits Photo : © 2023 Tempesta SRL – Ad Vitam Production – Amka Films Productions – Arte France Cinema.

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