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La Tour : Piège de béton

Guillaume Nicloux n’a de cesse de surprendre avec son cinéma si imprévisible. Pour son premier véritable saut dans l’horreur, le réalisateur français se lance dans un audacieux huis clos qui risque pourtant de laisser une partie du public sur le bas-côté. Et notre rédactrice Camille Griner fait malheureusement partie de cette catégorie. 

Au cœur d’une cité, les habitants d’une tour se réveillent un matin et découvrent que leur immeuble est enveloppé d’un brouillard noir et opaque obstruant portes et fenêtres. Cette masse étrange engloutit de plus tout ce qui tente de la traverser. Pris au piège, les résidents vont alors tenter de s’organiser mais succombent peu à peu à leurs instincts les plus primitifs pour assurer leur survie. Pour contrer son manque de budget et rendre son projet oppressant, Guillaume Nicloux a recours à deux astuces habiles : celle du film conceptuel où l’apparition de ce brouillard ne nous est jamais expliquée, mais également celle du huis clos, concentrant l’intégralité de son intrigue à l’intérieur du bâtiment. Par ce biais, le réalisateur peut ainsi se passer de plans extérieurs qui pourraient entacher l’identité et la crédibilité visuelle du film. En effet, on ne peut passer à côté de l’intense direction artistique de La Tour, s’appuyant sur des décors étouffants et un travail minutieux sur la lumière. Tandis que l’extérieur n’existe plus, la noirceur envahit progressivement l’intérieur du bâtiment, où l’extinction progressive des sources lumineuses électriques laisse place aux bougies et aux torches. L’immeuble se mue en caverne de béton aux pourtours survivalistes, où les réflexes communautaires vont montrer leurs plus sombres dangers. Certains discours et séquences hérissent les poils, mais difficile d’imaginer ce que le commun des mortels magouillerait dans le cadre d’une fin du monde claustrophobe.

Pour autant, La Tour souffre d’une trame scénaristique inaboutie et bancale, dont les stigmates sont décuplés par le format long (on parle pourtant d’un film d’une heure vingt-neuf). Ses défauts de construction et ces personnages développés de façon superficielle seraient passés sans (trop) sourciller, voire inaperçus, si le film s’était cantonné à une version courte. On aurait sans doute tenu là un court-métrage âpre et fascinant, ainsi qu’une dissection percutante d’une société qui s’écroule. Malheureusement, par son découpage en ellipses, La Tour devient de plus en plus incongru et étrange. On a en effet du mal à croire et à comprendre que la lutte pour survivre de certains personnages dure aussi longtemps, en sachant que l’espoir d’une porte de sortie est depuis belle lurette mise au placard. On pense beaucoup à The Mist (2007) de Frank Darabont devant ce nouvel opus de Nicloux, et on conseille peut-être plutôt celui-ci à ceux qui auraient envie d’une petite frayeur cinématographique en contrée brumeuse.

Réalisé par Guillaume Nicloux. Avec Angèle Mac, Hatik, Ahmed Abdel Laoui… France. 01h29. Genres : Drame, Fantastique, Épouvante horreur. Distributeur : Wild Bunch Distribution. Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement. Sortie le 8 Février 2023.

Crédits Photo : © Wild Bunch.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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