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Corsage : Corps & Âge

Nous croyons tous connaître l’impératrice Sissi, maintes fois représentée sur toile ou sur pellicule. Mais l’on avait peu mis en avant les sombres facettes d’une femme dans sa quarantaine qui, bien que soumise à l’étiquette, était profondément anticonformiste. Pour son premier long métrage, présenté dans la sélection cannoise Un Certain Regard en 2022, Marie Kreutzer s’attache à décrire le quotidien de privations dans lequel évoluait l’impératrice. Une ascèse cristallisée dans la pratique du corsetage auquel elle s’astreignait, dans ce biopic très élégant mais qui manque malheureusement de corps.

Avec ce portrait à contre-courant de Sissi, Marie Kreutzer raconte les Femmes à travers l’histoire de sa protagoniste. Une vie d’ennui et de privations tout au long de laquelle l’impératrice est réduite à son corps, enveloppe qui enfante et qui, inévitablement, vieillit et perd de sa valeur. Difficile de ne pas établir un parallèle avec notre XXIème siècle encore englué dans des diktats liés notamment à l’apparence. Mais ce propos un peu trop moderne accolé à un film d’époque crée un contraste dissonant qui ne fonctionne pas sur la durée. Bien que prise dans la fiction de la réalisatrice, on imagine assez mal Sissi faire des doigts d’honneur à sa cour, danser avec une moustache postiche et traiter les hommes de « gros connards ». Les scènes du film se succèdent comme des tableaux s’enfonçant toujours un peu plus dans la déchéance de l’impératrice jusqu’à sombrer dans une addiction à l’héroïne. La réalisatrice parvient à fabriquer des moments suspendus pleins de grâce, mais les accumule et finit par ennuyer. 

Si le film pèche par des ambitions esthétisantes qui prennent le dessus sur son scénario faiblard, Corsage offre tout de même des propositions intéressantes en se réappropriant l’Histoire. On ne saurait rester insensible à la poésie de cette mise en scène léchée qui sait mettre les corps et les paysages en valeur, au thème musical lancinant de Camille et au jeu toujours impeccable de Vicky Krieps. On ne dira jamais à quel point l’actrice luxembourgeoise est fascinante et lumineuse. Elle suit le fil rouge qu’elle avait commencé à déployer dans Phantom Thread (Paul Thomas Anderson, 2017). D’une muse à l’autre, elle incarne une femme considérée comme un corps avant tout, que l’on vêt et que l’on coiffe. Rigidité et séduction impriment tour à tour les traits et le corps de l’actrice polymorphe. Sissi, pourquoi pas, mais Vicky, c’est décidément un grand oui. 

Réalisé par Marie Kreutzer. Avec Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, Katharina Lorenz… Allemagne, Autriche, France, Luxembourg. 01h53. Genre : Biopic, drame. Distributeur : Ad Vitam. Prix de la Meilleure Performance dans la sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022. Sortie le 14 Décembre 2022.

Crédits Photo : © Film AG. 

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