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Films

Ghost Song : La rage avant la tempête

Cet article a été initialement publié le 7 Juillet 2021 à l’occasion de la présentation du film à l’ACID au Festival de Cannes 2021. Il est réédité sous sa version originale pour la sortie en salles du film.

Second long métrage du réalisateur français Nicolas Peduzzi, le drame Ghost Song ouvre cette année la nouvelle édition de l’ACID au Festival de Cannes.

L’an 2017. Houston, Texas. Alors que l’ouragan Harvey s’annonce, Alexandra (OMB Bloodbath), Will (William Folzenlogen) et Nate (Nate Nichols) se battent pour survivre dans une ville qui semble dévorer aussi bien les gens que les rêves. Dans cette atmosphère suspendue dans le temps, ces personnages vivent leur vie entre musique, hallucinations et espoirs de rédemption.

Nicolas Peduzzi renoue dans Ghost Song avec sa fascination pour les personnages hauts en couleurs et la ville crépusculaire de Houston. En effet, dans son premier film Southern Belle (2018), il captait le quotidien de son ex-petite-amie Taelor Ranzau, héritière du plus grand exploitant pétrolier du Sud des Etats-Unis. Enfant choyé ayant grandi dans les beaux quartiers de Houston, la jeune femme chute brutalement dans l’alcool, la drogue et les jeux d’armes suite au mystérieux décès de son paternel. À l’image de Southern Belle, Ghost Song dresse le portrait d’une génération perdue et sa dégénérescence dans l’Amérique de Donald Trump. Pas d’héritiers ni de beaux quartiers dans ce second opus, excepté Will, « fils de » devenu sans-abri, accro aux amphétamines, et renié par sa famille après la mort de son père richissime. Pour lui cependant, comme pour Nate, dont le cœur est brisé suite à une déception amoureuse et un avortement, et la cheffe de gang rappeuse Alexandra, aka OMB Bloodbath, tout est une question de survie. Le documentaire filme l’errance et les aléas de ces protagonistes dans les bas-fonds de Houston qui illuminent cette sombre ville avec leur colère sourde et pleine d’énergie. Ghost Song est un cri du cœur d’un trio de « losers » magnifiés face à l’arrivée imminente de l’ouragan Harvey qui menace de les rayer de la carte. La rage, avant la tempête.

La musique irrigue cette rage tout au long du film. Tandis que Nicolas Peduzzi donne la parole à ces personnages presque fantomatiques, ces derniers lui offrent en retour leur musique, empreinte des blessures et des violences dont ils ont été témoins, et victimes. En découle plusieurs moments de grâce, comme cette séquence où Will, improvisant un riff à la guitare, est assis face à son oncle. Les deux hommes, chacun leur tour, chantent leurs maux profonds, transformant cet instant de complicité en un large règlement de compte familial. Une scène poignante, qui en dit long sur l’incompréhension mutuelle et les blessures internes des deux personnages. Les morceaux, et surtout les lyrics, d’OMB Bloodbath, sont quant à eux de véritables échos du pouls déclinant de la ville de Houston. La musique classique dévore à de rares occasions le rap, insufflant alors une dimension poétique, presque flottante, à l’ensemble. Dépeignant une toile noire de la jeunesse sur fond de tempête imminente, Ghost Song parvient cependant à capter la fougue, et surtout l’espoir, d’une jeunesse trash américaine pourtant en roue libre et sans repère.

Réalisé par Nicolas Peduzzi. Avec OMB Bloodbath, William Folzenlogen, Nate Nichols… France. 1h16. Genre : Documentaire. Film d’Ouverture à l’ACID au Festival de Cannes 2021. Sortie le 27 Avril 2022.

Crédits Photo : © Gogogo Films.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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