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Koko-di Koko-da : Cauchemar en forêt

Après avoir mis en lumière un homme au visage déformé qui se lance dans un championnat de pétanque pour tenter de renouer avec sa mère dans The Giant (2016), Johannes Nyholm nous embarque cette fois-ci dans la spirale cauchemardesque d’un couple endeuillé avec Koko-di Koko-da. Un deuxième projet dérangeant et onirique, et la révélation inattendue d’un réalisateur suédois qui n’a pas fini de faire parler de lui. 

Dans ce film atypique, Johannes Nyholm conte l’histoire d’Elin (Ylva Gallon) et Tobias (Leif Edlund), un couple confronté à la tragédie, qui part camper au cœur de la forêt suédoise pour surmonter ses problèmes. Mais les fantômes de leur passé resurgissent et, plus que jamais, vont les mettre à l’épreuve. Koko-di Koko-da se scinde en deux parties distinctes, séparées par une ellipse de trois ans. La première, plutôt courte, suit le repas mouvementé du couple avec leur fille. Repas au cours duquel Elin fait une violente allergie alimentaire et va donc être emmenée aux urgences. Je ne vous en dirai pas plus sur cette partie qui, lorsqu’elle touche à sa fin, revêt la forme cruelle et implacable d’un sketch très noir.

La première sensation de cauchemar est belle et bien là, et le réalisateur va ensuite s’en amuser lors de la seconde partie du film. Bien plus long, ce segment glisse vers un autre genre, celui du « survival », par une immersion totale dans un cauchemar. Un rêve qui relate sans cesse la même chose, à savoir le massacre du couple par un trio de personnages à la fois grotesque et flippant. Le scénario terrifiant de ce rêve morbide se répète six fois, avec diverses variations, toutes plus inattendues les unes des autres. Des variations qui rappellent les différentes réactions de l’inconscient (la culpabilité, l’impuissance, le chagrin, la solitude, etc.) face à la tragédie de ce couple et à leur relation qui s’effrite. 

Le tour de force (et pas des moindres) de Johannes Nyholm est de réveiller chez le spectateur les peurs inconscientes, et parfois bien enfouies, que l’on explore malgré nous dans nos cauchemars les plus marquants. Il place dès lors le spectateur dans la peau de celui qui subit, comme les protagonistes, mais aussi dans la peau de celui qui interprète ce qui se déroule dans la narration. Le mélange de scènes rêvées et de scènes du passé permet par ailleurs au réalisateur d’opérer un parallèle entre la mémoire et l’imagination, avant que le film ne prenne une nouvelle dimension lors de séquences animées : celle d’une allégorie du deuil et de son acceptation. Il y a aujourd’hui dans le paysage cinématographique de véritables films OVNIS (dans leur conception même) qu’il est dommage de ne pas voir distribués à leur juste valeur, et Koko-di Koko-da en fait partie. Alors oui, c’est un projet glauque qui vous retournera l’estomac, mais c’est surtout un film plein de qualités et d’une patte personnelle folle qu’il serait dommage de louper !

Réalisé par Johannes Nyholm. Avec Leif Edlund, Ylva Gallon, Peter Belli… Danemark, Suède. 01h26. Genres : Thriller, drame. Distributeur : Stray Dogs Distribution. Sortie le 13 Novembre 2019.

Crédits Photo : © D. R.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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