Festivals,  Paris Surf & Skateboard Film Festival

PSSFF #2 : Emportée par la houle

Véritable fil conducteur de cette septième édition, la détermination suinte dans chacun des films projetés au Paris Surf & Skateboard Film Festival. Retour sur ce troisième jour chargé et riche en émotions fortes à l’Entrepôt, où notre rédactrice Camille Griner a vu six courts-métrages et trois longs.

La journée démarre avec la première vague de courts-métrages. Springtide – A Burmese Tale de Léopold Bélanger ouvre le bal et dresse le portrait d’un ébéniste lancé dans la fabrication de la première planche de surf en tek à Rangoun, en Birmanie. Conçu en montage parallèle, le projet filme également de jeunes surfeurs Birmans dans un petit village de pêcheurs de la baie du Bengale, les premiers et seuls du pays à pratiquer ce sport. Entre changements de format et passage régulier du noir et blanc à la couleur, Springtide – A Burmese Tale prend des allures de conte visuel attachant qui fleure bon la wax et l’insouciance. Retour brutal à la réalité avec le court d’animation The Dream Of The Griptape de Lise Pautonnier, qui suit deux skateuses enchaînant les tricks dans les rues de Rio de Janeiro. Heureuses nouvelles propriétaires d’une caméra, elles espèrent promouvoir leur talent, décrocher des sponsors et échapper à leur favela grâce à leurs vidéos. En moins de quatre minutes, la réalisatrice livre un projet réaliste et puissant sur l’insécurité et l’enfer que vit la population des bidonvilles brésiliens. À peine avons-nous le temps de nous remettre de nos émotions que nos gorges se serrent face à We Are Like Waves de Jordyn Romero. Le réalisateur dresse le portrait vibrant de Sanu, une jeune sri-lankaise qui rêve de devenir la première monitrice de surf sur la côte Sud, région où les femmes sont largement découragées d’exercer cette activité sportive. Les larmes aux yeux, elle raconte comment elle a quitté l’homme qu’elle aimait et les restrictions qu’il lui imposait, pour se consacrer à sa passion et vivre comme elle l’entend. Son énergie et son sourire communicatif lorsqu’elle est sur sa planche marquent profondément. Deux claques d’affilée, pour une sélection qui démarre fort.

We Are Like Waves © D. R.

Seeking Confort In An Uncomfortable Place de Debora Maité Bottino s’intéresse à trois personnes neurodivergentes, partageant leurs défis, leurs stratégies d’adaptation face à la société, leurs moyens d’expression et l’exploration de leur équilibre personnel par le biais de la communauté du skateboard. Si le fond est intéressant et la forme léchée, une version longue aurait sans doute été plus adaptée afin de pouvoir pleinement traiter son sujet et permettre un attachement plus fort envers ses protagonistes. Le programme 1 continue avec l’expérimental et contemplatif Pig Barrier DIY de Phil Evans. Entre images et photos d’archives, le film revient sur la construction d’un spot DIY (Do It Yourself) par un groupe de skateurs (français pour la plupart) dans la ville de Malmö en Suède, suite au rasage de certains espaces de ride emblématiques. On sent que Phil Evans s’est amusé dans la forme de son film, transmettant la hargne et la bonne humeur générale sur le chantier au doux son, entre autres, de The Flight Of The Bumble-Bee. L’étrange Rawfilm de Aljaz Babnik clôture cette première séance. Mettant en vedette la surfeuse Ambre Victoire, le court-métrage étonne par sa voix-off pleine de réverbération et ses séquences dignes de spots TV dont on n’est pas certain de saisir le sens. Il semble être question de danse et de chemin de vie fondé sur des erreurs mais, peut-être ai-je atteint mon quota d’émotions en ce début de journée, quoiqu’il en soit ce dernier film m’a totalement laissée sur le bord de la plage. 

The Dream Of The Griptape © D. R.

L’après-midi de ce samedi chargé continue avec trois longs métrages en compétition : The Oski Documentary de Jonathan Lomar, Facing Monsters de Bentley Dean et All The Streets Are Silent de Jeremy Elkin. Dans le premier, Jonathan Lomar livre le portrait intime d’Oskar Rozenberg, jeune prodige suédois catapulté du statut de skateur « core » à potentiel médaillé aux Jeux Olympiques de Tokyo, avec le lot d’exigences que cela implique. The Oski Documentary explore la transformation d’un jeune skateur respecté et adulé, en proie au stress et aux remises en question perpétuelles, notamment lorsqu’il doit faire le choix difficile de mettre ses proches de côté pour se concentrer sur la compétition. Le film interroge également l’évolution de la culture skateboard, qui passe progressivement de l’underground au mainstream depuis quelques années avec l’entrée de ce sport aux J.O. et l’adoption de son lifestyle par de plus en plus de non-initiés. Un documentaire captivant, qui éclaire sur la période charnière dans laquelle le skateboard est en train de cheminer, illustrée ici par la place que cherche Oskar dans cette culture en mutation. Retour à l’océan, et plus précisément en Australie, avec le majestueux Facing Monsters de Bentley Dean. Le documentaire revient sur l’énigmatique surfeur australien Kerby Brown et sa quête insatiable de vagues féroces jamais surfées auparavant, généralement proches de rochers et/ou de récifs, en plein océan Austral. Les images sont fascinantes par la retranscription parfaite qu’elles font de la force de la mer, dont la beauté brutale effraie autant qu’elle éblouit. Relatant la dépendance de Brown à cette passion dangereuse et les liens familiaux complexes qu’il entretient avec sa famille, tous inquiets lorsqu’il part en session, Facing Monsters est probablement le film de surf le plus puissant et immersif de cette édition. Les tripes en compote, on ressort de la salle groggy, comme si on revenait d’une balade en mer après avoir été largement chahuté par la houle. Un petit peu d’air frais bien mérité, et on termine cette avant-dernière journée de festival avec All The Streets Are Silent de Jeremy Elkin. Le documentaire revient sur la rencontre entre le hip-hop et le skateboard entre 1987 et 1997 dans les rues du centre-ville de Manhattan. Bande originale culte, images d’archives aussi inédites que délicieuses, All The Streets Are Silent fait revivre la magie de l’époque et nous plonge dans l’effervescence des cabines de DJ qui ont vu naître des grands noms du hip-hop comme Method Man ou encore Jay-Z, mais aussi le multi-instrumentiste plus tourné vers l’électro Moby et la création de la marque Supreme ; ainsi que l’impact de Kids de Larry Clark sur cette double culture underground. Vibrant hommage à New York, ce documentaire ambitieux et peuplé de stars évoque aussi bien la société et ses divisions raciales, la mode et la culture skateboard et hip-hop qui faisaient battre la scène urbaine de l’époque, que l’influence durable qui a découlé de cette période. Une pépite qui relaxe après ce troisième jour riche en émotions.

Crédits Photo : The Oski Documentary © D. R.

Camille écrit et réalise des courts métrages, et officie en tant que directrice de casting sur de nombreux projets. Passée par les rédactions de Studio Ciné Live, Clap! Mag & Boum! Bang!, elle est rédactrice chez Les Écrans Terribles depuis 2018.

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