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L’Autre Laurens : Road movie au ralenti

Loin de la figure hollywoodienne glamour du détective à la Bogart, Gabriel est un « agent de recherche privé » – comme il aime à se définir – un peu désabusé. Sa nièce débarque un soir dans son appartement bruxellois, lui apprenant la mort de son père, jumeau de Gabriel, et lui demande de l’aide. S’engage alors une quête de vérité et d’identité dans le sud de la France.

Claude Schmitz, réalisateur belge, nous a laissés jusqu’à présent des ovnis un peu fauchés, entre réalité et fiction, notamment le drôle et très touchant Braquer Poitiers en 2019 (dont nous avions parlé ici). Il ouvre cette fois-ci une nouvelle page de sa filmographie avec un film à budget et des ambitions plus internationales. Entre série B, western spaghetti en Technicolor, comédie loufoque et drame filial, L’Autre Laurens, comme ses prédécesseurs, ne coche aucune case au risque de s’y perdre un peu. Il y a d’abord cette image et ce grain particulier, qui rappellent un tableau de Hopper ou une scène qui serait tirée de Drive (Nicolas Winding Refn, 2011), quand le protagoniste mutique roule sous les néons colorés d’un tunnel. Puis des personnages, figures caractéristiques du  Septième Art : le détective, la femme fatale et les bikers. Des entités cryptiques qui réveillent un imaginaire bien connu, celui d’un cinéma américain peuplé par les images de Huston, de Hawks ou même de Lynch. Claude Schmitz s’entoure d’un casting remarquable, avec la jeune Louise Leroy pour son premier rôle, sorte de Brigitte Bardot en herbe au regard léonin, et Olivier Rabourdin (à l’affiche de L’été Dernier de Catherine Breillat), avec son jeu par touches, tout en intériorité.

Sur fond de trafic de stupéfiants, le réalisateur installe le road movie et la solitude du détective pour convoquer le passé, le trauma du 11 septembre, le racisme à peine contenu des terres perpignanaises. La figure tutélaire du jumeau réveille les vices et l’exploration de la violence. L’Autre Laurens se vit comme un film d’atmosphère (l’exemple le plus réussi de ce jeu d’équilibriste étant le magnifique Pacifiction : Tourment sur les îles d’Albert Serra, 2022). On y retrouve une illustration de la marge, avec une Jonquera qui évoque le Nouveau Mexique, des boîtes de nuit comme des  lieux de rêverie hors du temps et cette maison perpignanaise atypique qui est une réplique de la Maison Blanche. On l’a bien compris, Claude Schmitz est pétri de cinéma, il lui rend donc hommage dans chaque plan de L’Autre Laurens. Il prend la relève d’un cinéma visuel référencé que l’on a découvert cette décennie avec des auteurs comme Hélène Cattet et Bruno Forzani (Laissez bronzer les cadavres, 2017) ou Coralie Fargeat (Revenge, 2017). Mais à vouloir tout montrer en dépouillant jusqu’à à l’os ses dialogues, Schmitz peine à nous embarquer dans son voyage. Le spectateur reste sur le bord de la route avec la sensation de visionner un assemblage visuel de qualité qui ne prend jamais chair. Malgré une atmosphère lancinante et la fraîcheur de son casting, ainsi que de belles trouvailles (une succession d’arrêts sur image comme des instantanés à la toute fin du film), le long métrage ne sait sur quel pied danser et révèle ses maladresses rapidement. La pauvreté de l’écriture des personnages, un scénario peu clair et une accumulation de références cinématographiques confuse et démonstrative finissent par empeser le projet et provoquer le désintérêt du spectateur. On saluera tout de même les scènes comiques du duo de flics paumés interprétés par Francis Soetens et Rodolphe Burger, qui nous plongent tout droit chez Bruno Dumont. De véritables respirations dans un dispositif rock’n’roll encore trop rigide.

Réalisé par Claude Schmitz. Avec Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Kate Moran… Belgique, France. 01h57. Genres : Policier, Thriller. Distributeur : Arizona Distribution. Sortie le 4 Octobre 2023.

Crédits Photo : © Wrong Men/Cheval deux trois.

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