THE ROOM by Les Ecrans Terribles
Films

The Room : faites gaffe à ce que vous souhaitez !

Initialement prévu pour une sortie en salles, The Room a vu son destin bouleversé par la fermeture des cinémas et débarque cette semaine en VOD. Tant mieux : le nouveau film de Christian Volckman (Renaissance) explore les possibilités du genre fantastique avec une approche philosophique et spirituelle inattendue. De quoi faire une très bonne séance de ciné-canapé à la maison.

S’il devait initialement sortir quelques semaines à peine après La Dernière Vie de Simon, autre essai réussi de fantastique hexagonal, tout sépare les deux longs-métrages. Ici, pas de nostalgie, d’héritage spielbergien et de féérie à hauteur d’enfant. Plus austère, adulte et torturé, The Room plonge dans les méandres de la psyché humaine pour en ressortir à la fois les travers et la beauté. Au commencement, il y a un homme et une femme, Kevin Janssens et Olga Kurylenko, nouveaux propriétaires d’une maison délabrée dans la campagne américaine. Bien décidés à retaper la grande bâtisse, les deux amoureux font du vide, arrachent du papier peint, bricolent toute la journée. Jusqu’au jour où ils trouvent une pièce condamnée, étonnamment vide, ne menant nulle part. Une pièce qui, ils ne tarderont pas à le découvrir, est capable d’exaucer leurs voeux, quels qu’ils soient, sans condition… ou presque (bien évidemment).

Olga Kurylenko © Condor Films

De prime abord, The Room semble n’être qu’un film de genre comme il en existe des centaines outre-Atlantique. Un couple, au milieu de nulle part, dans une grande maison cheloue qui va se retourner contre eux… Nous sommes a priori en terrain connu. Sauf que Christian Volckman, l’homme derrière la caméra, ne cède jamais à la facilité. Loin d’être prévisible, son film se distingue de ses congénères par sa volonté d’ausculter les automatismes un peu décérébrés de l’être humain. Ceux qui nous font baver devant des sommes d’argent exorbitantes, des bijoux qui brillent, des bouteilles de grands crus et autres objets de désirs matérialistes qui n’apportent pourtant qu’une satisfaction temporaire et un chouilla superficielle. Volckman illustre ces pulsions de consommation alimentées par une société capitaliste qui laisse entendre que l’argent fait le bonheur (…ça se saurait…) et, surtout, s’intéresse aux issues possibles. Si la possession de biens matériels et la jouissance furtive qu’elle apporte ne sont pas une fin en soi, alors quelle peut-elle être  ?

To own or not to own, telle est la question

Nourri par les philosophies hindouistes et bouddhistes dans lesquelles il a baigné quand il était petit, Christian Volckman dresse le portrait à taille réduite d’une société minée par le désir sans limite. A quoi bon consommer, s’enrichir, accumuler quand, autour de nous, le monde court à sa perte ? Le réalisateur questionne notre soumission au capitalisme et y oppose un mode de vie plus spirituel, régi par la création et la destruction d’un monde en perpétuelle évolution. Au milieu de ces réflexions, Matt et Kate, nouveaux Adam & Eve, se débattent et s’entrechoquent face à un dieu-machine qu’ils n’ont pas les moyens de contrôler. Le fantastique, lui, évite l’outrance du merveilleux et se concentre sur ce point de départ intelligent et évocateur, qui permet d’explorer sans concession les espoirs, les contradictions et les déviances de ses personnages (et de l’être humain par extension). Minimaliste mais très inspiré, The Room joue avec les possibilités comme il joue avec nos nerfs : subtilement, mais diablement efficacement. À son coeur, Kevin Janssens et Olga Kurylenko rivalisent d’intensité et d’émotions. Leur relation, entre complicité, frustration et incompréhension, porte à son meilleur un film qui ne manquait déjà ni de jugeote, ni de courage. Le fantastique à la française a définitivement de beaux jours devant lui (si tant est qu’on accepte de le produire et de le diffuser).

The Room, de Christian Volckman.
Avec Olga Kurylenko, Kevin Janssens, Joshua Wilson.
Sortie en VOD le 14 mai 2020.

Élevé dès le collège à la Trilogie du Samedi. Une identité se forge quand elle peut ! Télé ou ciné, il n'y a pas de débat tant que la qualité est là. Voue un culte à Zach Braff, Jim Carrey, Guillermo DelToro, Buffy et Balthazar Picsou.

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