Chéries-Chéris 2019 by Les Ecrans Terribles
Chéries-Chéris

Chéries-Chéris 2019 : morceaux choisis

Chéries-Chéris, le Festival LGBTQ &+++ (selon ses propres termes) fera son grand retour officiel ce mardi 19 novembre, après quelques projections d’envergure en guise d’amuse-bouche ces derniers jours. Focus sur cette 25e édition.

Toujours désireuse de mettre en lumière un cinéma exigeant et international traitant avec justesse et inventivité de thématiques queer, l’équipe de Chéries-Chéris a mis une nouvelle fois en place une programmation foisonnante et passionnante. Au menu : compétitions de longs-métrages de fictions, de documentaires ou de courts-métrages ; avant-premières et films inédits (et qui le resteront probablement pour certains d’entre eux) ; panorama donnant à voir une incroyable quantité de films venus du monde entier ; cartes blanches et une soirée pyjama autour du générationnel Clueless le 22 novembre. En résumé, Chéries-Chéris témoigne encore et toujours de la bonne santé du cinéma queer et on l’en remercie chaleureusement.

Vous aimeriez vous joindre à la fête mais ne savez pas quel(s) film(s) choisir ? Nous avons d’ores et déjà pu découvrir certains des longs-métrages proposés par le festival cette année. Suivez le guide !

Yours in sisterhood, d’Irene Lusztig (USA, 2018)

Dans Yours in sisterhood, des femmes de tous les âges, tous les styles et toutes les régions des États-Unis viennent réciter, face caméra, des lettres envoyées au magazine féminin et revendiqué féministe Ms. durant les années 70. Le point commun de presque toutes ces lettres ? Elles n’ont pas été publiées par la rédaction du magazine, notamment parce qu’elles abordaient des sujets alors considérés comme tabous (et qui créent encore largement la polémique aujourd’hui) : la religion, l’homosexualité, la légalité des armes, les maladies liées au nucléaire… C’est vertigineux tant c’est actuel ! 

Parmi toutes ces lettres vibrantes demeurées impubliées, certaines remettent en question le féminisme tel qu’il est proposé par le magazine Ms. On nous donne ainsi à entendre un maximum d’opinions, même les moins consensuelles. Une jeune chrétienne défend son refus du sexe avant le mariage et son droit d’être anti-avortement, et accuse le magazine d’ostraciser tout ce qu’elle représente. Une autre femme revendique sa passion de la chasse et réplique que le magazine féministe s’adresse aux bobos pseudo-intello… C’est là la force du dispositif proposé par Irène Lusztig : en faisant interpréter aujourd’hui ces lettres des années 70 par des femmes de tous les profils, la réalisatrice crée des ponts entre le passé et le présent, entre les régions et les opinions. Si les avis se confrontent, si ça frotte un peu : tant mieux ! La réalisatrice suggère en effet que c’est ça, le féminisme : même si chacune peut (et en quelque sorte doit) se créer sa propre définition de la chose, il n’en reste pas moins que toutes ces femmes sont réunies par une sororité plus forte que les divergences qui pourraient les séparer. De par sa sobriété, le dispositif n’est pas sans rappeler Ouvrir la voix d’Amandine Gay. Avec sa mise en scène simple, directe, Yours in sisterhood permet un réel dialogue complice entre la filmeuse et les filmées, sans jamais en exclure le spectateur.

Hugo Bouillaud

Séances à Chéries-Chéris :
mercredi 20 novembre à 17h35 au MK2 Beaubourg
Compétition Documentaire

Yours in Sisterhood © Irene Lusztig

Benjamin, de Simon Amstell (Royaume-Uni, 2018)

Benjamin, jeune réalisateur britannique vivant à Londres, termine le montage de son second film, inspiré des tourments de sa vie sentimentale. Après un premier essai remarqué et acclamé, il peine à trouver le ton juste pour exprimer au mieux la vision qu’il souhaite donner à ce nouveau projet. D’un naturel complexe, il questionne énormément son rapport aux autres, surtout quand il y a des sentiments en jeu. Son coup de foudre pour un jeune étudiant français ne va rien arranger à cette crise existentielle. Ces nouveaux questionnements lui seront-ils bénéfiques et lui apporteront-ils enfin une vision apaisée du couple ?

Avec son sujet intemporel évoqué de manière très contemporain, Benjamin affiche le désir d’être un film générationnel. Caché derrière le label du film arty un peu fauché, le réalisateur Simon Amstell tend à refléter la dure réalité d’une certaine jeunesse actuelle en suivant une recette qui commence malheureusement à manquer d’originalité. Car on ne s’adresse pas à tout le monde ici, et c’est un peu le problème. Atteints du “syndrôme Sous le soleil”, les personnages sont de ceux qui galèrent en tant qu’artistes tout en pouvant se permettre d’habiter dans les quartiers cool de Londres. Ce détail pourrait être pardonné si les clichés s’arrêtaient là. Il faut arriver à passer 90 minutes en compagnie de millenials égocentrés aux problèmes relatifs, aux sautes d’humeur incessantes et aux situations conflictuelles, et ce n’est pas une mince affaire. Il y a pourtant des éléments positifs, à commencer par l’acteur principal Colin Morgan, très attachant dans son personnage en proie aux doutes perpétuels mais avec une touche d’humour légèrement farfelu, ou Joel Fry, qui joue son meilleur ami. Le charme de Londres et de bons comédiens n’étant malheureusement pas suffisant pour effacer les faiblesses du scénario, on déplore un manque de fond, comme si rien n’était vraiment grave ou ne valait la peine d’être justifié. 

Matthieu Touvet

Séances à Chéries-Chéris :
samedi 23 novembre novembre à 19h55 au MK2 Quai de Seine
mardi 26 novembre à 13h30 au MK2 Beaubourg
Section Panorama Fiction.

Benjamin © Outplay Films

Brève histoire de la planète verte, de Santiago Loza (Argentine, 2019)

Alors qu’elle part rendre un dernier hommage à sa grand-mère récemment décédée, Tania découvre sous la maison de la défunte le corps affaibli d’un extraterrestre. Solitaire malgré sa dame de compagnie, la grand-mère s’était entichée de cette étrange créature, qu’elle élevait comme son propre enfant. Bouleversée par cette découverte, Tania décide de ramener l’alien à l’endroit où il avait été trouvé, dans l’espoir qu’il puisse rentrer chez lui…

Soyons honnêtes : ce pitch pouvait augurer du pire. S’il avait été traité avec l’ironie et la distance qu’on imagine aisément à sa lecture, le film aurait pu être une farce un peu loufoque, mais aussi probablement oubliable. Santiago Loza, lui, a été malin. Il y est allé avec le coeur. L’amour pour cet extraterrestre, trouvé là sous le parquet, est palpable. Parce qu’au sein du cinéma queer, il cristallise bien des interrogations. En tête d’affiche de ce drame surprenant, on retrouve un trio de misfits. Tania, la femme transgenre, qui a quitté sa campagne rétrograde avant sa transition ; Daniela, au coeur brisé, qui se refuse à toute nouvelle éventualité amoureuse ; et Pedro, le gay “socially awkward” comme on dit en anglais, qui se libère du poids de la vie lorsqu’il se met à danser mais est incapable d’interagir correctement en société. Les extraterrestres, évidemment, ce sont eux, plus encore que le petit être gris fébrile qui les accompagne. Lui a probablement entrepris un long voyage pour arriver sur Terre. À leur tour, ces trois personnalités en marge de la société prennent la route pour un road trip vers l’inconnu, mais aussi vers eux-mêmes. Car on le sait tant le cinéma nous l’a appris : ce n’est jamais la destination qui compte, mais le voyage… et on se trouve souvent en chemin. Étonnamment bienveillant, Santiago Loza enveloppe ces trois héros qui n’en sont pas d’une bulle de tendresse et les laisse avancer, comme en apesanteur, sans apriori ni second degré. Lauréat d’un Teddy Award à Berlin cette année, Brève histoire de la planète verte est une drôle de surprise qui mérite le coup d’oeil – à condition de se laisser planer. 

Gauthier Moindrot

Séances à Chéries-Chéris :
dimanche 24 novembre à 18h15 au MK2 Beaubourg
Compétition Fiction

Brève histoire de la planète verte © The Open Reel

Retrouvez toutes les informations sur la programmation de Chéries-Chéris sur leur site internet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.